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parmi ses meilleurs : aux pensées de concorde qui doivent animer le véritable homme d’état, à la parole de M. Thiers déclarant qu’a son gré « toucher à une question religieuse était la plus grande faute qu’un gouvernement pût commettre, » il opposait le tableau de la guerre poursuivie, depuis un an, sur toute l’étendue de la république. Il montrait le sens que les passions donnaient à l’article 7 et l’effort qui était fait pour diviser en deux partis la nation tout entière, division fatale qui est le signe et l’avant-coureur de toutes les guerres civiles. Il montrait la liberté et la religion également, menacées, également atteintes par cette loi qui était contraire à tout progrès et qui, pour tout dire, n’était qu’un misérable expédient politique. Il fit à grands traits l’histoire de la liberté d’enseignement, née après l’empire, soutenue sous la restauration, présentée comme loi sous le gouvernement de juillet, adoptée comme principe constitutionnel en 1848, transportée dans les lois organiques de 1850 et de 1875, de ce principe en vertu duquel tout citoyen est capable d’ouvrir une école primaire, une institution secondaire, une école supérieure. Enfin il termina en rappelant à la gauche combien sa conduite ressemblait à celle qu’elle avait blâmée chez ses adversaires. « Eh bien ! messieurs, disait-il au milieu des applaudissemens, permettez-moi de vous adjurer les uns et les autres de ne pas instituer de gouvernement de combat, quand nous devons tous travailler paisiblement et pacifiquement à faire les affaires de notre pays. »

Le sénat donna raison à M. Dufaure, L’orateur fut heureux de son succès et surtout heureux, de penser qu’il pouvait mettre au service de l’inamovibilité judiciaire l’influence d’une parole que le sénat écoutait encore. L’article 7 avait été rejeté au milieu des prophéties les plus sinistres du ministère. Quelques semaines plus tard, l’expulsion des congrégations non autorisées était résolue. Ces représailles inauguraient toute une politique de violences fondées sur une légalité mensongère et, en blessant la justice, allaient décimer ceux qui en avaient la gardée M. Dufaure contemplait toutes ces ruines avec douleur. Il jugea qu’il n’y avait pas à répondre à des passions par des discours, mais par des actes. Dans le désordre des esprits, il crut que la protestation la plus efficace était de saisir le sénat d’un projet de loi sur les associations. Il répondrait ainsi à l’application arbitraire d’une loi surannée par la mise à l’étude d’une législation conforme au progrès de la raison et du droit. Pendant l’insurrection de la commune, en combattant un projet qui abolissait en cette matière les lois préventives, il avait annoncé que, l’ordre rétabli, il se montrerait favorable à la liberté d’association. C’est cet engagement qu’il venait tenir le jour où les luttes religieuses avaient fait sentir plus vivement la nécessité de cette loi. Son projet permettait la fondation de toute association ayant pour