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plutôt encourageantes ; on avait craint une détestable liquidation, et ces craintes étaient dissipées ; on entrait en juillet avec des cours relativement bas, une masse considérable de capitaux disponibles et des coupons semestriels à détacher sur un très grand nombre de valeurs. Si l’horizon politique pouvait s’éclaircir, on avait sous la main des élémens importans et nombreux de reprise ; en attendant, il fallait rendre aux capitalistes et à la spéculation un peu de cette confiance que l’on avait tant exagérée autrefois et qui avait fait place à une défiance non moins excessive, et comme cette année, contrairement à toutes ses habitudes, la spéculation n’avait pas escompté à l’avance l’arrivée sur le marché des centaines de millions à provenir de la mise en paiement des coupons de juillet, l’occasion du détachement de ces coupons à la cote a paru bonne à la haute banque pour frapper un petit coup d’éclat. La journée du 6 juillet a donc été une journée de hausse, une journée comme on n’en avait pas, vu depuis le commencement des préoccupations relatives à l’Egypte ; les transactions se sont animées, le 5 pour 100 a progressé de 50 centimes, la spéculation a paru sortir de sa torpeur ; la physionomie du marché était vraiment transformée. Naturellement, il ne pouvait être question d’une campagne en règle ; dès le lendemain, les affaires retombaient dans le calme habituel et les cours ne subissaient plus que d’insignifiantes fluctuations. L’effet voulu n’en avait pas moins été produit ; les dispositions se sont sérieusement modifiées ; on ne croit plus à une accentuation de la baisse et on croit volontiers à un vif mouvement de hausse pour le jour où quelque bonne nouvelle viendra mettre le feu aux poudres. La conviction s’est répandue que la haute banque ne veut pas laisser porter atteinte aux cours actuels, qu’elle a décrété la reprise et que le mouvement se produira mathématiquement, au jour et au moment où il lui plaira de lâcher les rênes.

La situation peut se résumer ainsi : il semble qu’une spéculation veut en ce moment la hausse, une spéculation assez puissante pour faire que ce qu’elle veut se réalise, mais par cela même assez patiente pour ne rien tenter prématurément. Elle dispose de ressources considérables, car elle comprend dans ses rangs de hauts banquiers et la plupart des établissemens de crédit que la hausse seule pourra tirer du marasme où ils sont tombés ; les capitaux de placement la suivront volontiers, car il y a beaucoup d’argent à employer et les bas cours offrent une occasion propice. Mais pour que tous ces élémens de reprise entrent en œuvre, il faut que la politique cause moins de soucis. Or la crise égyptienne vient d’entrer dans une phase nouvelle, et la haute banque ne se laissera certainement pas engager dans de fausses manœuvres par l’impatience des spéculateurs qui comptent sur son intervention. Après comme avant le bombardement d’Alexandrie, bien