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ombres, entouré d’un chœur d’esprits helléniques auxquels on aimerait à adresser plus d’une question. » L’image d’Athénaïs une fois évoquée, M. Gregorovius s’est enquis des ouvrages qui se rapportaient à ce sujet ; or il se trouvait, nous dit-il, en présence d’une matière neuve ; « les Allemands, chercheurs infatigables, auxquels pas un coin caché de la vie du monde n’a échappé, n’ayant pas encore approfondi cette matière. » Notre auteur oublie seulement que M. Amédée Thierry, dans ses Récits de l’histoire romaine au Ve siècle, publiés ici même, a consacré tout un article à Athénaïs[1]. On serait tenté de signaler dans cette omission une de ces mises au secret (sekretiren) des écrivains français, dont nos voisins sont coutumiers. Mais ce qui prouve la bonne foi de M. Gregorovius et nous empêche de lui chercher querelle, c’est qu’il se propose de réparer dans une prochaine édition de son livre cette négligence non préméditée.

Nous n’insisterions pas sur ce dernier ouvrage, et nous nous bornerions à renvoyer le lecteur curieux d’histoire byzantine à M. Amédée Thierry si M. Gregorovius n’avait traité le sujet d’une façon toute personnelle. Le vrai titre de son livre serait plutôt Athènes, Constantinople et Jérusalem au Ve siècle. Athénaïs passe comme une ombre flottante devant ces trois décors ; c’est surtout dans les villes et leurs monumens que l’auteur cherche l’âme d’une civilisation et d’une époque. Nous résumons, d’après lui, ce récit comme pièce justificative de nos précédentes critiques en le transposant dans le cadre et les proportions qui nous sont donnés sans trop altérer le style et la couleur du modèle :

Au IVe et Ve siècles de notre ère, Athènes n’était plus qu’une ville de province sans importance politique. On ne voyait au Pirée ni navires de guerre ni bateaux marchands ; la ville plus riche de Corinthe, siège du gouvernement byzantin, attirait tout le commerce. Pas de richesses à acquérir sur le sol d’Attique, maigre et pierreux. Mais on y pouvait vivre loin des préoccupations vulgaires et des intérêts bas, dans l’oubli de soi-même et du monde.

Athènes déchue avait conservé son importance littéraire. La foi aux anciens dieux d’Homère y subsistait au milieu des glorieux souvenirs de l’histoire, des splendides monumens du passé. Seule survivante des écoles de l’antique sagesse, la célèbre Académie de Platon entretenait un foyer d’enthousiasme pour les lettres grecques et attirait la jeunesse avide de s’instruire. La vie des étudians rappelle assez celle des universités de Padoue et de Bologne au moyen âge, de Gœttingue et de Halle au XVIIIe siècle. La qualité d’ancien élève de l’école d’Athènes donnait dans le monde honneur

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1871.