avec précision, dans son livre de 1872, la voie dans laquelle devaient s’engager les réformateurs, il explique aujourd’hui plus en détail dans ses Excursions pédagogiques, le mécanisme des méthodes. allemandes, et il les compare sans parti-pris avec l’imitation que nous en avons prétendus faire. Il met surtout en lumière les résultats presque merveilleux obtenus par les extemporalia ou traductions improvisées. Il sait toutefois se tenir et nous tenir nous-mêmes en garde contre les illusions qui pourraient s’attacher à l’importation de ces procédés. Ils ne pourraient réussir dans nos classes supérieures qu’à la suite de très fortes études dans les basses classes. Le latin est étudié pendant neuf ans dans les gymnases allemands, le grec pendant sept ans, et, depuis le commencement des études jusqu’à la fin, la plus grande place est toujours laissée aux deux langues classiques. Les enfans sont exercés à lire et à expliquer, non de courts morceaux, mais des ouvrages entiers ; ils apprennent par cœur toute une tragédie de Sophocle pour la jouer en public, comme on faisait, il y a quelques années au petit séminaire d’Orléans. Dans nos lycées, le grec et le latin ont vu réduire et le nombre d’années qui leur était consacré dans la durée des études et le nombre d’heures dont ils avaient le bénéfice dans chaque classe. Même au temps où ils régnaient en maîtres, nous nous proposions moins de les bien apprendre que d’en faire le point d’appui le plus sûr pour nous exercer à bien ordonner nos pensées et à les exprimer avec élégance dans notre propre langue. « J’ai vu, dit M. Bréal, adresser à nos lycées le reproche qu’on s’y occupait trop de la Grèce et de Rome et qu’on y négligeait le français. De toutes les critiques qui peuvent être dirigées contre notre enseignement, c’est la dernière à laquelle je me serais attendu. La vérité est que l’Université apprend surtout à écrire en français et qu’alors même qu’elle a l’air de faire du latin ou du grec, c’est le français qu’elle a en vue, c’est le français qu’elle enseigne. » Nous avons toujours attaché la plus grande importance aux compositions écrites : en Allemagne, elles ne sont que l’accessoire et elles sont généralement médiocres. Le gymnase allemand prépare les futurs érudits qui se perfectionneront à l’Université ; le lycée français réussit surtout à former des orateurs, des écrivains, et, il faut bien le dire, des journalistes.
M. Bréal regrette qu’il n’ait pas été assez tenu compte de ces différences dans les dernières réformes de notre enseignement secondaire. Ils craint que ces réformes n’amènent promptement la décadence des études littéraires, non par la faute des procédés empruntés à l’Allemagne, mais par l’effet de leur introduction dans des conditions défavorables. Il s’incline devant les considérations d’intérêt politique ou social auxquelles on a obéi en restreignant