pièce de cinq francs. Huit années plus tard, se promenant dans la même forêt, à cheval, avec son ami Tattet et deux ou trois autres personnes, il se rendit à l’endroit où cette nuit tragique et heureuse s’était écoulée ; malgré les observations de ses amis, il mit pied à terre, s’orienta, découvrit le rocher, fouilla le soi et retrouva la pièce d’argent verdie par l’humidité. Il la porta à ses lèvres et pleura. L’émotion avait été vive ; il en résulta le Souvenir, une des plus belles inspirations de poète, une des œuvres qui subsisteront :
- : O puissance du temps ! ô légères années !
- : Vous emportez nos cœurs, nos cris et nos regrets !
- : Mais la pitié vous prend et sur nos fleurs fanées,
- : Vous ne marchez jamais !
Certes, chacun, est libre d’écrire sa propre histoire ; mais je crois que George Sand et Paul de Musset auraient été plus sages de garder le silence. Ces aventures ne sont pas très propres et quoiqu’elles soient humaines, on eût mieux fait de les cacher ; ni Fantasio, ni Lélia n’ont gagné à des révélations que la diversité des alcôves fréquentées de part et d’autre rend assez déplaisantes. Cependant il faut admettre que George Sand en se défendant elle-même, Paul de Musset en défendant son frère, tous deux en prononçant un plaidoyer pro domo sua n’ont pas outre-passé leur droit ; mais que penser de Louise Colet, qui intervient, qui joue des coudes, qui se pousse entre l’auteur de Rolla et l’auteur de Consuelo et qui s’écrie d’un air triomphant : « Me voila ! » Il fallait absolument que le monde sût qu’Alfred de Musset avait eu un caprice pour une femme de lettres sans talent : Louise Colet se chargea de le lui apprendre. Après Elle et Lui, après Lui et Elle, Louise Colet publia Lui. Lui, c’est Alfred de Musset, auquel on résiste, parce que l’on veut rester fidèle à un Léonce adoré, — Léonce, c’est Gustave Flaubert. — Ah ! je connais l’histoire, j’en ai été saturé jusqu’à la nausée. J’ai là plus de trois cents lettres que Louise Colet m’a écrites parce qu’elle m’avait pris, malgré moi, pour confident des tendresses dont elle persécutait Flaubert, qui n’en pouvait mais.
Son livre Lui est pis qu’une invention mensongère ; c’est l’altération systématique de la vérité. Le masque qui cache les personnages est si léger qu’on les reconnaît ; tous ceux qu’elle a frôlés dans la vie, tous ceux qui n’avaient point gardé d’armes contre elle, elle les a noyés dans sa prose peu véridique. Il est un fait que je dois rétablir, car elle l’a dénaturé. Un personnage qui fut considérable en son temps, qu’elle appelle Duchemin, dont je ne prononcerai pas le véritable nom, devint amoureux d’elle et le lui déclara. Dans Lui, elle se complaît aux détails de cette aventure et je