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à leur place sur les murailles d’une tombe, sont très rares à Corneto. Dans la tomba del morto, on nous montre un vieillard étendu sur un lit magnifique. Il vient de mourir : devant lui, une jeune femme, sa fille probablement, les cheveux épars, semble vouloir attacher ou rabattre sur sa figure le bonnet qui lui couvre la tête ; aux deux extrémités du lit, deux hommes lèvent les bras dans l’attitude de la plus vive douleur. C’est une scène semblable qui est peinte dans la tomba del morente, où l’on voit tout une famille désolée auprès d’un homme qui se meurt. Mais ce ne sont là, je le répète, que des exceptions. L’artiste, en général, a prodigué les peintures riantes. On dirait que, dans ce séjour de la mort, il tenait à ne peindre que ce qui donne du prix à la vie. Les banquets surtout y sont fréquemment représentés, et il n’y a presque pas de tombe qui n’en contienne quelqu’un. Les convives sont couchés sur des lits somptueux et tiennent en main de larges coupes : leurs femmes ont pris place auprès d’eux, tout respire la joie ; des couronnes de fleure pendent au plafond ; les tables sont servies et l’on peut distinguer la forme des plats qui les couvrent et en compter le nombre. Auprès des tables se tiennent les esclaves portant des amphores et prêts à verser le vin aux convives ; à côté d’eux, des musiciens jouent de la double flûte ou de la cithare. Il ne faut pas être surpris de voir les musiciens figurer si souvent dans les peintures de Corneto ; c’est que la musique tenait une grande place dans la vie des Étrusques : non seulement ils ne célébraient pas de cérémonie religieuse ou de fête publique sans elle ; mais on peut dire qu’elle accompagnait toutes leurs actions. Un historien cité par Athénée prétend qu’ils pétrissaient le pain et qu’ils fustigeaient leurs esclaves au son de la flûte. Le goût de la musique amène naturellement celui de la danse, aussi les danseuses sont-elles prodiguées à Corneto. Elles y sont représentées d’ordinaire dans des attitudes violentes, les cheveux épars, la tête renversée, comme les Grecs aimaient à peindre les bacchantes. On y voit aussi très fréquemment des chasses : dans ces gorges de l’Apennin la chasse a dû toujours être un divertissement favori. Le chasseur est à pied ou à cheval ; il poursuit les oiseaux à coups de fronde, il attaque le sanglier avec l’épieu, tandis que ses serviteurs portent sur l’épaule les bêtes qu’il a tuées. Un autre sujet que les artistes du pays aiment beaucoup à représenter, ce sont les jeux, surtout les courses de chevaux ou de chars. Dans la tomba delle bighe, les cochers, couverts de tuniques de couleur écarlate, les rênes dans la main, le corps penché, sont en train de disputer le prix. Les cavaliers sont assis sur un cheval et en tiennent un second par la bride, prêts sans doute à sauter de l’un sur l’autre. Des athlètes, des pugiles, font prendre patience à la foule dans l’intervalle