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LA
DUCHESSE DE MARLBOROUGH

On ne connaît guère en France le duc de Marlborough que par une chanson populaire, et la duchesse que par une comédie dans laquelle le maître des inventions dramatiques, Eugène Scribe, a vraiment abusé du droit de caricaturer l’histoire. Faire de l’altière grande dame une virago d’antichambre royale, de la bonne grosse reine Anne, déjà plusieurs fois mère, une amoureuse sentimentale, de la basse intrigante Abigaïl une innocente persécutée, de ce puissant aventurier politique, Bolingbroke, un entremetteur d’amourettes et du petit Masham… quelqu’un, c’est outre-passer les licences du dramaturge et du romancier. Il nous a semblé que le lecteur pourrait trouver quelque intérêt à rentrer dans le vrai domaine de l’histoire.


I.

Née le 29 mai 1660, à Holywell, près Saint-Albans, d’une famille restée fidèle aux Stuarts pendant la révolution, Sarah Jennings fut attachée à la cour dès l’âge de onze ans ; peu après, sa première protectrice, la duchesse Anne d’York, mourait et, deux ans plus tard, était remplacée par cette ravissante enfant de quinze ans, Marie-Béatrice d’Este, qui, mariée par la volonté de Louis XIV, dut à sa