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certes, faire bon marché de cette philosophie de l’histoire de la scène, qui est proprement la critique dramatique ; mais nous ne dédaignons pas non plus les anecdotes de cette histoire, qui font, au jour le jour, la matière de la chronique théâtrale. Nous y trouvons notre plaisir et tenons que ce plaisir peut se justifier ; qu’il a ses raisons et qui ne sont pas si frivoles. Et ne serait-ce pas d’abord une présomption en sa faveur si nous découvrions qu’il n’est pas si nouveau ? que, du moins, nos pères ont prisé le pareil, au plus beau de l’âge classique, et que même nous pouvons ressaisir un peu du leur en le recherchant où ils l’ont trouvé ? Apparemment deux siècles passés auraient justifié celui-là, et nous serions, du même coup, rassurés sur le nôtre ; nous le serions surtout si nous apercevions que, sous l’agrément de ces légers écrits, une certaine utilité se cache, et qu’à mesure que l’agrément s’évapore l’utilité se cristallise, si bien que ces futilités, au lieu de s’avilir, prennent au contraire avec le temps une valeur moins futile : — mais le XVIIe siècle avait-il son « monsieur de l’orchestre ? »

Il l’avait, si l’on me permet ce rapprochement que me suggère un écrivain de théâtre, M. Ludovic Halévy ; son autorité m’excuserait, à supposer que j’eusse besoin d’excuse pour citer ici, auprès de gazetiers morts et tellement morts qu’ils sont bien oubliés, un gazetier, Dieu merci ! tout vif et bien vivant.

Depuis un an qu’il se repose des succès de la scène, — les lecteurs de la Revue connaissent son repos, qui fait leur délassement, — M. Ludovic Halévy a signé deux morceaux de critique ou, si l’on veut, de chronique : l’un sert de préface au volume des Soirées parisiennes de 1881, de M. Arnold Mortier[1] ; l’autre, imprimé dans le même journal que ces ingénieuses soirées, signalait à l’attention des amateurs le premier tome[2] des Continuateurs de Loret, c’est-à-dire le commencement de la publication des gazettes rimées de Robinet, de Mayolas, de Boursault, de Subligny et de quelques autres, recueillies et rééditées par le baron James de Rothschild. Quel rapport entre cette légère brochure, que recommande aux promeneurs du boulevard une vignette si pimpante et si coquine, et ce gros in-octavo que décèle aux érudits le classique parfum de son papier de Hollande ? — Quel rapport ? Plus étroit qu’il ne paraît : le gros volume dit au petit :


Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus.


Et il le fut, en effet, au moins en de certaines pages ; nous avons ici la soirée de la Princesse d’Élide, — soirée parisienne ou soirée ile Versailles, c’est tout un en ce temps-là, — comme là nous trouvons la soirée de la Princesse de Bagdad… Les « continuateurs de Lorel » ne sont en ceci que les prédécesseurs de M. Mortier.

  1. Dentu, éditeur.
  2. L’ouvrage en aura six.