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l’éloge une fine pointe de moquerie, comme fera volontiers de nos jours le malicieux rédacteur des Soirées :


Et ce Mysantrope est si sage
En frondant les mœurs de notre âge
Que l’on diroit, Benoist Lecteur,
Qu’on entend un Prédicateur.


Le gazetier n’y touche qu’à peine : il n’est pas un critique ; cependant son trait nous est une preuve que ce n’est pas d’hier seulement que le Misanthrope paraît austère. Mais ce qui nous importe dans ses gazettes, plus que d’y trouver déjà les raisons durables d’un succès ou d’une chute, c’est de voir les raisons passagères qui y ont aidé : en les apercevant, nous comprenons mieux certaines parties de l’ouvrage. Les marquis du Misanthrope nous semblent aujourd’hui de peu d’importance dans la pièce ; à l’importance qu’ils ont dans la lettre de Subligny, nous jugeons cependant combien ils contribuèrent à la victoire. Comment ? Parce que le marquis ridicule, réputé marquis de province, était un personnage plaisant pour les marquis de la cour de Versailles. Or n’a-t-on pas du Misanthrope un sentiment plus juste si l’on réfléchit qu’avant de passer chef-d’œuvre il devait plaire à cette cour ? Et n’est-ce pas encore un souvenir qui rend je ne sais quel charme à cet ouvrage sévère que celui de ces comédiennes alors applaudies et aimées ?


Et l’on y peut voir les trois Grâces
Menant les Amours sur leurs traces,
Sous le Visage et les Attrais
De trois Objets jeunes et frais :
Molière, du Parc et de Brie ;
Allez voir si c’est menterie !


Nous n’irons pas maintenant « voir si c’est menterie ; » où sont les Célimènes d’antan ?.. C’est vérité, au contraire, vérité pour toujours ; le gazetier galant n’a plus de démentis à craindre.. et ce passage cité de ses chroniques suffit à rendre à l’immortel chef-d’œuvre un peu de cette grâce qui n’est guère qu’aux objets périssables.

Qu’est-ce aujourd’hui que la Princesse d’Élide et Alexandre, sinon des ouvrages séchés dans l’herbier classique ? À lire Mayolas, Robinet et Subligny, nous retrouvons de quelle ardeur et de quel éclat ils brillèrent, quelle vie éphémère fut la leur et dont cependant ils vécurent. Ce ne furent jamais, à vrai dire, ni une comédie, ni une tragédie, mais des divertissemens mondains, l’un galant et comique, l’autre héroïque et galant : ils ont duré ce que durent les ornemens d’une fête. C’est à Versailles que se joue la Princesse d’Èlide, à titre d’intermède et d’entrées de ballet pour assaisonner une comédie de plus d’importance, le Favori, de Mlle Desjardins. La voix de Mlle Hilaire, la