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commission de la chambre, un ministre annoncer qu’il travaillerait de son mieux à laïciser notre influence en Orient, c’est-à-dire à y détruire des siècles de politique habile et persévérante ? Pour un parti déjà nombreux, mais qui de jour en jour le devient davantage, c’est une duperie de notre part de maintenir le protectorat catholique que nous exerçons dans les contrées orientales. En faisant consacrer ce protectorat par un article du traité de Berlin, le représentant de la France a commis un acte anti républicain. Protéger des jésuites et des capucins était bon pour la monarchie ; la république, qui les expulse de France, a mieux à faire que de les soutenir au-delà de la Méditerranée. Les libres penseurs de la chambre ne peuvent se consoler que le monde entier ne soit pas fait à leur image ; ils voudraient du moins se faire partout les champions de l’incrédulité. S’ils pouvaient séculariser le Grand Turc, ils en seraient fort aises ; en attendant mieux, ils proposent de ne tenir aucun compte du fanatisme musulman, et plusieurs d’entre eux ont manifesté une confiance absolue dans l’esprit éclairé d’Arabi-Pacha. Mais s’ils admettent dans une certaine mesure l’islamisme, les croyances chrétiennes leur paraissent trop ridicules pour qu’un gouvernement émancipateur comme la république leur donne où que ce soit le moindre appui. Ils exigent donc l’abolition de notre protectorat catholique en Orient, et M. de Freycinet, fidèle agent de leurs prétentions, leur avait promis d’y travailler avec tout le zèle dont il était capable. Qu’à cela ne tienne ! Le jour où nous renoncerons au protectorat catholique en Orient, sous prétexte que c’est une institution de la vieille France incompatible avec les principes de 89, il se trouvera assez de puissances pour recueillir notre héritage. Déjà l’Italie, déjà l’Autriche font à Rome les démarches les plus actives en vue d’obtenir du pape qu’il leur confie les droits dont jusqu’ici nous avons eu le monopole. Elles font valoir d’excellens motifs : elles rappellent la manière dont nous traitons chez nous les moines et les couvens ; elles montrent notre acharnement à poursuivre contre le cléricalisme une lutte qui n’a ni excuse ni prétexte ; elles insinuent d’ailleurs que nous sommes désormais sans force, sans prestige en Orient ; que, ne sachant pas y défendre la vie de nos nationaux, à plus forte raison ne saurions-nous y défendre des congrégations ; qu’après ce qui vient de se passer en Égypte et l’humiliation de notre drapeau en présence du massacre d’Alexandrie, notre protectorat n’est plus qu’un vain mot. Le pape résiste, parce que, doué d’un esprit politique remarquable, il comprend que, plus nous nous détachons du catholicisme, moins le catholicisme doit se détacher de nous. Il a fait trop de pertes pour avouer encore celle-là ! Pourtant il ne faudrait point pousser Léon XIII à bout. Si, pour complaire aux libres