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manque : l’audace de détruire ce qu’on ne respecte plus. La chute du système commença par la rupture du pacte colonial. Elles annonçaient des temps nouveaux et cette guerre civile qui, pour une question de timbre et de thé, mit aux prises l’Angleterre avec l’Amérique, et cette nationalité qui trouvait ses titres dans une querelle de tarifs. Commerciale dans son origine, la lutte fut commerciale dans sa conduite. Les Américains refusent les produits anglais, l’Angleterre ne veut pas qu’ils en trouvent d’autres. Pour cela il faut fermer leurs ports ; la France a noué des relations avec eux, comme eux, la France sera bloquée. C’est en marchand que le cabinet de Saint-James a conçu ses projets, il prétend les imposer à tout le monde en souverain. La guerre de sept ans vient de lui donner la domination des mers, mais il n’a pas vaincu les élémens, et ses flottes à voiles sont incapables de maintenir durant des années le blocus des côtes ennemies. Imaginant les blocus « de cabinet » ou « de papier, » il déclare que la notification de sa volonté suffit à interdire au commerce les contrées où n’apparaissent pas ses vaisseaux, et il sanctionne cette défense par le fameux « droit de visite » qu’il s’arroge sur tous les pavillons. À cette prétention répond la ligue des neutres. La grande Catherine la forme en posant, dès 1780, sur le blocus et les droits du tiers pavillon les règles qu’en 1855, dans un congrès réuni pour sanctionner l’abaissement de la Russie, reconnaîtra l’Angleterre victorieuse. En attendant, les marines secondaires sont prêtes aies défendre par les armes. L’importance tardivement attribuée au blocus et les difficultés soulevées par son exercice témoignent de l’extension prise par le commerce international, et il est à la veille de développemens plus considérables. Dès 1791, en élaborant-le premier tarif général des douanes, la révolution française formule les idées nouvelles. Au régime prohibitif succède le régime protecteur. Toute marchandise circule en franchise dans tout le pays, les marchandises nationales en sortent librement, les marchandises étrangères entrent en payant des droits, ces droits sont calculés de façon à assurer à l’industrie nationale l’avantage de prix sur son marché intérieur. L’assemblée tient à protester qu’ils n’ont pas pour but « d’isoler la France des autres nations » et annonce un avenir commun de richesses et de fraternité. Mais l’ironie des événemens se plaît à railler la logique des hommes ; comme si les âmes avaient épuisé toute leur douceur, la fin du siècle est consacrée à toutes les haines ; les guerres semblent perpétuelles, plus que la paix auparavant rêvée. Bientôt elles ne laissent plus en Europe debout que deux factions : d’une part, le continent dominé par un homme ; d’autre part, l’Angleterre. Le genre humain n’a plus que deux têtes et chacun met l’autre à prix. Cette volonté