aussi habile dans le conseil qu’heureux sur le champ de bataille. Victorieux en Picardie et à Naples, il avait traité en vainqueur avec le roi de France et rabaissé l’arrogance de Rome. Fidèle à ses alliés, redoutable à ses ennemis, Philippe ne jouit probablement jamais, dans aucun autre moment de sa vie, d’autant de considération réelle aux yeux de l’Europe qu’au temps où il signa le traité de Cateau-Cambrésis. »
Henri II avait offert à Philippe II sa fille aînée en mariage. Granvelle parut faire une grâce à la France en acceptant pour son maître la main de cette jeune princesse. « Il nous a semblé mieux de leur dire rondement que combien que Votre Majesté ait toujours esté dure et difficile à recevoir persuasions pour se remarier, toutefois ayant représenté à icelle le désir du roy très chrétien, elle s’étoit résolue, pour monstrer sa bonne et sincère affection, d’y condescendre franchement. » Il y avait quelque hypocrisie dans cette hauteur, car Philippe n’avait pas attendu qu’Elisabeth d’Angleterre lui offrît sa main, et quand elle apprit le mariage français, elle dit en parlant du roi d’Espagne : « Il n’étoit pas aussi amoureux de moi qu’il le vouloit faire croire ; il n’a pas eu la patience d’attendre quatre mois ; je n’ai jamais dit non formellement. » Tout était fait à ce moment pour chatouiller l’orgueil de Philippe, jusqu’aux regrets d’Elisabeth ; il avait infligé à la France une paix humiliante ; il avait triomphé de Paul IV ; le duc d’Albe, son général, avait, par son ordre, demandé pardon au saint-père pour avoir porté les armes contre lui. mais il y avait dans cet acte de déférence comme un raffinement d’orgueil. Quand le duc d’Albe épousa Elisabeth de France par procuration, le peuple de Paris l’admira avec sa couronne close à l’impériale et son manteau de drap d’or couvert de pierreries, conduisant la jeune reine d’Espagne, accompagnée des trois reines de France, d’Ecosse et de Navarre.
On sait comment, peu de jours après, Henri II tomba, blessé à mort, dans un tournoi. La France allait, pendant une longue minorité, sous une régente italienne, être livrée aux factions. Philippe put croire sa domination assurée sur toute l’Europe. Son caractère était désormais formé ; ses idées avait pris une rigidité inflexible ; il se croyait destiné à vaincre partout l’hérésie et à maintenir l’ordre dans l’univers. Il n’avait pas la dignité impériale, mais il était plus empereur que roi. Il regardait tous les rois de la terre comme ses vassaux ; il se croyait fait pour représenter une sorte de monarchie sacrée, presque sacerdotale ; une telle monarchie ne pouvait vivre à l’aise que sur le sol de l’Espagne, parmi des peuples qui poussaient le respect du souverain jusqu’à l’idolâtrie et la religion jusqu’à la frénésie. L’Angleterre frondeuse, les Pays-Bas turbulens ne pouvaient