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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/612

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LA
RÉGENCE DE TUNIS
ET LE
PROTECTORAT FRANÇAIS


I.

Après un jour et deux nuits de traversée, au soleil levant, on a la Tunisie devant soi : une côte montagneuse qui se rapproche, et dont on distingue les plis arides et les herbes sèches. Sur la gauche, les sommets escarpés du Zaghouan, du Djebel Rças et de la montagne à deux pointes qui se dresse derrière Hammam-Life. Au fond d’une baie, la première petite ville qu’on aperçoive, Rass-el-Djebel, qui s’allonge au bas des pentes en une traînée blanche et crayeuse de maisons à terrasses, au-dessus desquelles apparaissent les minarets blancs des mosquées.

Le golfe s’élargit; on distingue les terres basses avec La Goulette et son lac salé, et plus loin, encore une longue traînée blanche, mais énorme cette fois, avec des coupoles et des minarets, qui est Tunis, Tunis-el-Hadera, la ville verte. Sur la droite, depuis le cap Farine, de distance en distance, des villas de riches Tunisiens, grosses constructions coloriées, à l’air fragile, qui semblent peintes sur la toile d’un décor et qu’on pense voir coucher par le vent les jours d’orage. Au-dessus, Saint-Louis de Carthage et sa chapelle, construite sur le lieu d’où l’armée de Scipion vit monter les flammes qui dévoraient la femme et les enfans du Carthaginois Asdrubal. De ce même endroit, Didon peut-être avait vu, bien des siècles avant, les proues des navires troyens se détourner de la terre et fendre