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France aurait eu besoin de toute sa liberté et d’une active vigilance. — Le problème qui s’est dégagé subitement de ces troubles profonds, qui est apparu à tous les yeux, consiste à trouver le remède d’une telle situation, à s’arrêter dans la voie où l’on s’est engagé, à changer de direction en essayant d’abord de se refaire une force de gouvernement, une majorité suffisante par le rapprochement des diverses fractions parlementaires, que les passions, les jalousies, les rivalités personnelles ont divisées. Le mal existe, le problème consiste à le guérir s’il se peut, à l’atténuer tout au moins. M. le président du conseil, — c’est une justice à lui rendre, — ne s’est point dissimulé la vérité en acceptant le pouvoir dans des circonstances difficiles, et après des entretiens plus ou moins privés où il a laissé entrevoir à demi ses préoccupations, il a serré de plus près encore la question dans une lettre qui a fait il y a quelques jours autant de bruit que ses conversations. Qu’a donc dit M. le président du conseil dans cette lettre qu’il a écrite à un député de l’Auvergne et qui reste jusqu’ici l’expression la plus significative de sa pensée? Il a rappelé que la division est la mort des majorités parlementaires comme des nations, que « cela est vrai du parti républicain plus que de tout autre, parce que la seule discipline dont il soit capable est la discipline volontaire. » Il a ajouté que, si on ne sait pas s’imposer à bref délai cette discipline, si on persiste à se diviser, on peut « renoncer à constituer le gouvernement républicain, » que « le parti vainqueur qui ne tire pas de lui-même l’instrument nécessaire est condamné à cesser de vivre. » En d’autres termes, tout ce qui se passe depuis quelque temps, ces incohérences accumulées, ces guerres intestines au sein du parti victorieux, ces impossibilités de gouvernement qui s’aggravent à chaque changement de ministère, tout cela, aux yeux de M. Duclerc, c’est l’épreuve décisive pour la république elle-même. Tout dépend aujourd’hui de ce qu’on fera.

C’est assurément une parole grave que M. le président du conseil a prononcée là, qu’il a donnée à méditer aux républicains de toutes les couleurs pendant les quelques semaines de vacances qui vont s’écouler encore avant la session prochaine. A vrai dire, le premier de tous les remèdes serait de commencer par reconnaître qu’on s’est trompé, et malheureusement jusqu’ici personne ne semble guère disposé à confesser ses fautes, à avouer les erreurs de la politique qui a contribué à créer la situation présente. Tout le monde parle de conciliation, c’est convenu, et jamais peut-être les animosités n’ont été plus vives; jamais les luttes n’ont été plus acharnées, plus acerbes entre les partis, entre les diverses fractions républicaines qui s’agitent dans un tourbillon de polémiques. Il resterait toujours à savoir d’ailleurs ce qu’on entend par ce mot de conciliation, ce qu’il peut devenir dans la pratique, quels élémens, quels groupes on compte rallier de façon à