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ne sera pas complète. Ils semblent déjà avoir pris des mesures, soit, pour le licenciement et la réorganisation de l’armée égyptienne, soit pour le rétablissement de l’autorité du khédive, soit même pour la mise en jugement des principaux chefs de la rébellion. Que les Anglais songent à se servir de leur victoire pour créer dans la vallée du Nil un ordre de choses conforme à leurs intérêts, cela n’est pas douteux, et il y aurait de la naïveté à leur en vouloir après les avoir laissés, seuls à l’action ; mais en même temps il est bien clair que leurs droits ont des limites. Ils sont liés par leurs déclarations, par leur coopération à la conférence de Constantinople, par tout un ensemble d’engagemens internationaux qui intéressent la Porte, la France, l’Europe tout entière. En un mot, la question, en cessant d’être militaire, redevient une question de diplomatie générale, et l’Angleterre, si victorieuse qu’elle soit, n’a sûrement pas la pensée de mettre en péril la paix universelle en faisant violence à tant d’intérêts qui ont le droit de se faire respecter.

Certainement au milieu de cette vie européenne. qui se transforme. sans cesse, qui se complique de tant de passions, d’antagonismes, de questions qui se renouvellent ou se déplacent, il y a toujours quelque intérêt à voir les choses comme elles sont, sans parti-pris et sans illusion; il est toujours bon de démêler à travers l’artifice des rôles et des discours officiels ce qu’ont été, ce qu’ont pensé réellement des hommes, qui à leur manière, selon leur importance, selon la sphère où ils ont été placés, ont passé avec quelque succès sur la scène publique, C’est l’attrait de ces révélations plus ou moins diplomatiques qui se succèdent de temps à autre sur un passé encore peu éloigné. Ces révélations ont parfois le mérite de rectifier ou de préciser bien des jugemens sur des choses et des hommes qu’on croyait connaître; elles ne sont pas non plus toujours sans danger pour ceux dont elles ont la prétention de dévoiler les pensées les plus intimes. Voici un petit livre qui a paru récemment en Belgique, qui n’a pas, si l’on veut, une importance démesurée pour l’histoire et qui ne laisse pas cependant d’avoir été l’objet de quelques commentaires : c’est cet opuscule des Souvenirs du baron Nothomb. L’auteur, qui est connu par des études sur les fondateurs de la jeune monarchie belge, M. Théodore Juste, a certes recueilli ces Souvenirs à bonne intention. Il a cru assez naïvement ne pouvoir mieux faire pour un homme distingué de son pays que d’essayer de le peindre par ses conversations, par quelques fragmens de lettres familières, par la divulgation des détails intimes de sa carrière, il n’a peut-être pas servi autant qu’il l’a cru la mémoire de celui dont il s’est fait le Plutarque.

Ce n’est point assurément que le héros de ces Souvenirs, M. le baron Nothomb, n’ait été et ne reste une des plus éminentes notabilités de la Belgique. Au début de sa carrière publique, il s’était trouvé mêlé à