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naturalisations, être aussi méticuleuses et aussi difficiles que les vieilles contrées qui ont un excédent de population. L’école primaire, en répandant notre langue, tiendra aussi une grande place dans le travail d’assimilation des élémens étrangers. Nous avons accordé aux colons de nationalité étrangère qui résident en Algérie des droits considérables; on les admet, par exemple, à se faire représenter pour une certaine quote-part dans les corps municipaux; en 1880, on recensait ainsi 7,071 électeurs municipaux étrangers. Cette faveur, qui est exceptionnelle, qu’aucune autre nation n’octroie, ne nous paraît pas avoir aujourd’hui de raison d’être. Les étrangers sont venus librement sur notre sol; il dépend d’eux de se faire naturaliser; on ne saurait justifier par aucune bonne raison l’octroi gracieux de droits électoraux à des gens qui, arrivés spontanément du dehors et pouvant être Français sans renoncer à aucune de leurs habitudes, ne jugent pas à propos de le devenir. Nous devons tendre à naturaliser les colons étrangers algériens et non à les maintenir dans leur nationalité en leur conférant certains droits d’électorat.

Il n’en est pas de même de la population indigène; nous l’avons trouvée dans le pays ; elle a des mœurs dont on ne doit pas demander l’entier sacrifice à la génération actuelle. On ne peut exiger qu’elle renonce à son statut personnel pour prendre immédiatement le nôtre. Elle forme la grande masse de la population, deux millions huit cent mille habitans qui sont en voie d’accroissement. Les listes peut-être médiocrement exactes, de l’état civil inscrivent, en 1880, 68,107 naissances de musulmans contre 61,434 décès. Cette population indigène a des droits naturels; nous avons vis-à-vis d’elle des devoirs qui sont plus stricts que vis-à-vis les immigrans étrangers. Notre intérêt, conforme à notre obligation morale, est de ménager et de nous concilier ces 2 millions 1/2 à 3 millions d’indigènes, sans lesquels nous ne saurions avoir en Afrique ni paix assurée ni prospérité économique.


II.

Si l’on peut se féliciter du développement rapide de la population européenne en Algérie, beaucoup d’autres faits témoignent que notre œuvre dans cette contrée est loin d’avoir été stérile, comme le croient les esprits superficiels. Qu’on étudie soit le mouvement commercial extérieur, soit la production minière, soit la production agricole, soit même les finances générales de la colonie, on se convainc que le génie français, secondé par l’abondance de nos capitaux, a produit sur cette terre ce que nous n’hésitons pas à appeler des merveilles.