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Bien d’autres tracés encore ont été ou concédés ou demandés. La compagnie française de Fives-Lille sollicite la ligne d’Orléanville à Ténès. Le Bône-à-Guelma demande la concession de Soukharras à Tébessa, ce qui ouvrirait encore le sud et la Tunisie. Trois compagnies se disputent les 180 kilomètres de voie ferrée projetée entre Mostaganem et Tiaret. Il se trouve aussi deux sociétés pour se charger de la concession de la ligne de Médéah à Laghouat qui pourrait être le point d’attache du chemin de fer transsaharien. Nous espérons que ce dernier n’est pas définitivement abandonné et qu’un jour viendra où, dans des circonstances plus favorables, on voudra reprendre cette grande entreprise. Dès maintenant, sans tenir compte de tous ces complémens et prolongemens, le réseau ferré de l’Algérie est égal en étendue à celui du Portugal. Le réseau des routes algériennes n’est sans doute pas inférieur à celui de ce royaume. Ce n’est pas un mince succès que d’avoir élevé en cinquante ans l’Algérie, sous le rapport de la viabilité, au-dessus de plusieurs pays d’Europe, la Roumanie, la Grèce, et de l’avoir rendue l’égale d’autres comme le Portugal.

Les chemins de fer algériens, quoique construits par l’initiative privée, ont dû recevoir une aide de l’état ou des départemens ; ce n’était que justice dans un pays aussi neuf, où le commerce et l’industrie n’avaient pas eu le temps de se développer. Certaines compagnies n’ont demandé d’autre secours que des concessions d’alfa, comme la Société franco-algérienne qui a construit la ligne d’Arzew à Saïda. La plupart des autres ont recouru au système de la garantie d’intérêts, c’est-à-dire à des avances de l’état qui seront remboursables quand le trafic se sera élevé au-dessus d’un niveau déterminé. C’est sous ce régime qu’ont été construites par la compagnie de Lyon-Méditerranée les premières lignes, celles d’Oran à Alger et de Philippeville à Constantine; c’est dans des conditions analogues aussi, quoique un peu différentes pour certains détails, qu’ont été concédées et que sont exploitées les lignes des deux grandes compagnies de Bône à Guelma et de l’Est algérien. Il en résulte pour l’état français un fardeau de quelque importance. Le service de la garantie d’intérêts pour les lignes algériennes et tunisiennes figure au budget de 1883 pour la somme de 9 millions 1/2 de francs. Si l’on songe qu’en 1883 il y aura bien 1,500 kilomètres au moins en exploitation, la charge annuelle pour l’état revient en moyenne à 6,000 francs par kilomètre. On ne peut espérer qu’elle diminue avant dix ou douze ans, parce que des lignes nouvelles d’une étendue de 150 à 200 kilomètres par année viendront sans cesse s’ajouter au réseau actuel. Mais les sacrifices de l’état ne doivent pas être considérés comme définitifs. On sait qu’en France plusieurs compagnies, celles d’Orléans, du Midi et de l’Est, commencent à rembourser