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à l’excès ou prématurément : Banque de l’Algérie, Compagnie algérienne, Crédit foncier et agricole d’Algérie, Crédit algérien, sans parler des succursales des grands établissemens français, comme le Crédit lyonnais, ni des sociétés ayant un objet limité, comme les Magasins généraux ou les sociétés financières et agricoles. Sur certains points, la législation propre à l’Algérie, grâce à des lois récentes, est plus avancée que pour la métropole, pour les prêts à la propriété foncière ou à l’agriculture par exemple. Le taux de l’intérêt a singulièrement baissé : l’intérêt légal, maintenu longtemps abusivement à 10 pour 100, vient d’être réduit à 6. Tout cet ensemble de conditions que nous avons tenu rapidement à énumérer démontre combien la France a bien employé les cinquante-deux années qu’ont exigées la conquête et l’organisation de cette colonie.


III.

S’il est prouvé que l’Algérie est sortie de l’enfance, qu’elle se peuple, qu’elle s’enrichit, qu’elle se couvre de voies de communication, qu’elle égale ou dépasse, sous plusieurs des aspects de la civilisation, certaines petites nations secondaires de l’Europe, à quoi devons-nous nous appliquer désormais dans notre œuvre algérienne? Nos efforts doivent se concentrer sur un point : ne pas compromettre, par des mesures iniques ou maladroites, cette prospérité naissante, encore frêle et mal assurée. A vrai dire, nous craignons fort que plusieurs des projets qui sont aujourd’hui devant le parlement n’aient, si par malheur ils étaient adoptés, l’effet de détruire l’œuvre patiente des cinquante-deux dernières années.

Ce qui nous préoccupe au premier chef, nous le disons sans ambages, ce sont les indigènes. En Algérie, la France a bien près de 3 millions de sujets musulmans. Le protectorat de la Tunisie lui a confié la direction et la responsabilité des destinées de 1,500,000 antres. Jusqu’à une époque récente, jusque vers 1875 ou 1876, nous avons usé envers les vaincus d’une politique généralement droite et judicieuse; nous avons ménagé leurs biens, respecté leurs droits, nous les avons appelés dans nos armées; à leurs chefs nous avons conféré des fonctions publiques et des honneurs. Depuis cette époque, trois faits d’une importance considérable ont créé un ordre de choses tout à fait nouveau, où abondent les écueils et les dangers : l’épuisement de l’ancien domaine du dey et la persistance néanmoins de la colonisation officielle ; l’extension du territoire civil sans qu’on se soit occupé d’instituer un corps administratif régulier, compétent, impartial, et de supprimer ce que l’on appelle les « délits spéciaux à l’indigénat » en faisant rentrer les Arabes dans le droit commun ; enfin le droit de représentation au sénat et à la