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d’être impuissans ou vulnérables, ou de ne jeter dans la balance que des interventions tardives, ils ont besoin à la fois de tous leurs élémens de puissance. Puisqu’ils n’en peuvent sacrifier aucun, ils doivent trouver place pour les contenir tous, en porter le poids accumulé, et mesurer sur les plus grands périls la réserve suprême de la force navale. L’accroissement continu de tonnage qui se produit dans les navires de combat est donc la forme rationnelle de leur progrès ; il ne s’arrêtera que le jour où une nouvelle augmentation les rendrait incapables de naviguer. Les profondeurs, dans la plupart des ports, et dans la zone maritime qui avoisine les terres, ne dépasse pas 10 et même 9 mètres. Les navires ne caleront pas plus de 9 mètres ; ainsi se trouve fixée une des dimensions. Si les autres n’ont pas avec celle-là des rapports constans, elles continueront à croître, et les navires tendant à devenir des tours à hauteur constante et à diamètre de plus en plus considérable, il n’apparaît pas de limites à l’accroissement des canons, des machines et des blindages. Mais s’il y a pour les navires des formes nécessaires et entre leurs diverses mesures des proportions constantes, la profondeur, limitée à 9 mètres, limitera à son tour la longueur à peu près à 150, la largeur à 20. Ce n’est pas la moindre importance du retour aux formes rationnelles. Il donne à la marine à vapeur l’unité de type qui a existé dans la marine à voiles. Il assigne une limite à l’extension des navires. Dès que les navires cessent de croître, le matériel qu’ils contiennent ne peut plus grandir. Ce n’est pas à dire qu’à dater du jour où les formes du bâtiment de combat seront fixées, le génie humain retombe dans le sommeil, comme il fit à l’avènement de la marine à voiles. C’est alors que son activité sera le plus féconde ; quand sera épuisée la ressource barbare d’augmenter la force de l’instrument de guerre en augmentant les calibres des pièces, 1 épaisseur des blindages, le nombre des chaudières, alors se produira le seul effort qui mérite le nom de scientifique, celui qui cherchera dans un emploi meilleur des matières et des espaces où il sera circonscrit un agrandissement de puissance. Déjà ce mouvement a commencé : on sait que les perfectionnemens réalisés en Angleterre sur les plaques, en Allemagne sur les pièces, ont abouti à produire, avec des dimensions moindres, des canons et des cuirasses d’une égale efficacité. La France n’est pas restée en arrière. Grâce à M. de Bussy, la substitution de l’acier au fer dans les constructions, — l’initiative la plus hardie et la plus heureuse qui ait transformé de notre temps l’art des constructions, — a déjà réduit de plus du dixième le poids des navires. Or, tantôt en obtenant la même puissance sous une masse moindre, tantôt en obtenant plus de force sous une masse égale, on économisera des