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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/915

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avantages aux armateurs qui exécutent leurs navires selon des types fixés et s’engagent à les tenir prêts à toute réquisition ? Si les charges et les avantages justement équilibrés offrent aux armateurs une prime en temps de paix et, en temps de guerre, la chance d’affréter des navires condamnés sans cela à l’immobilité, quoi de plus certain que le succès ? Dans un peuple maritime, l’extension de la flotte de course n’a guère d’autres limites que la volonté de l’état.

Pour les bâtimens de garde, il n’en va pas de même. La navigation de plaisance seule associe les petites coques aux machines puissantes, et avec une irrégularité de formes qui ne les rendent pas utilisables. Mais dans toutes les mers territoriales, il y a deux intérêts : surveiller la pêche, empêcher la contrebande. Ce sont des intérêts publics. Pour les servir partout, il faut des bâtimens nombreux ; pour poursuivre et atteindre les embarcations suspectes, il faut des bâtimens rapides ; pour accomplir tout cela sans trop de dépenses, il faut des bâtimens de faible échantillon. Toutes les qualités nécessaires aux bâtimens dans ce double service sont celles qui conviennent en guerre au service de sûreté, et comme ils sont créés par l’administration, il dépend d’elle seule de les construire de sorte qu’ils servent en temps d’hostilités à la flotte de garde. Quelles ressources et quelles économies ! Pour le service de sûreté, une flottille dont le trésor supporte en tous les cas la charge et qui, bien constituée, lui épargne de construire un nombre égal de bâtimens ; pour le service de croisière, une flotte ne lui coûtant que le prix des installations militaires ; pour le service de transports, une flotte plus grande encore dont il n’a rien à payer : toute cette force à sa disposition quand il veut, sans qu’il en supporte en temps ordinaire, ni l’entretien, ni les avaries, ni les pertes, tandis que le progrès continu du matériel, éliminant ce qui est vieux ou médiocre, renouvelle sans cesse ce don gratuit d’une marine toujours jeune et parfaite ! Si chers que soient les instrumens de guerre, là est le secret de fournir des flottes assez vastes pour la population maritime, secret également précieux aux nations riches ou pauvres. Celles-ci n’auront qu’à entretenir en temps de paix le nombre de bâtimens nécessaires pour exercer les hommes et desservir les stations ; celles-là pourront consacrer la majeure partie de leurs ressources à la construction de cette flotte la plus coûteuse, la moins durable, la seule que l’état doive créer sans secours : la flotte cuirassée.

Il n’y a là d’ailleurs que l’application d’une loi générale en notre siècle. Longtemps la force militaire s’est suffi à elle-même, et semblable aux citadelles qui s’élevaient isolées dans leurs remparts du