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élévation du taux de l’escompte à Londres et à Paris, et cette crainte paraît aujourd’hui à peu près dissipée.

Les récoltes ont été satisfaisantes presque partout en Europe, et si les États-Unis nous envoient du blé cet hiver, ce qui aura lieu certainement, ces envois n’auront pas l’importance de ceux que nous avions à solder l’année dernière ; en Angleterre d’ailleurs, on pourra payer le blé américain avec le produit de ventes considérables de marchandises et de valeurs mobilières. En tout cas, jusqu’ici, l’Amérique n’a pas eu encore à prendre d’or à Londres, et le taux du change n’indique pas un drainage imminent. Or, il y a un an, c’est par millions de livres sterling qu’il a fallu compter les expéditions d’or pour les États-Unis. L’argent est en outre abondant à Londres et à Paris ; les ressources ne font nulle part défaut, pas plus au commerce qu’à la spéculation. Mais la Banque d’Angleterre, dont l’action est strictement réglée par les provisions de l’Act de 1844, voit sa réserve tomber peu à peu à un niveau qui appelle et nécessite des mesures de précaution, c’est-à-dire des élévations successives du taux de l’escompte officiel. Cette réserve est descendue cette semaine au-dessous de 10 millions de livres sterling. Mais, dans le même temps que l’on se demande si, à cause de son organisation spéciale, la Banque d’Angleterre ne va pas être obligée de porter son taux à 6 pour 100, on continue sur le marché ouvert à escompter aisément à 4 pour 100, ce qui indique clairement le caractère artificiel ou purement local des difficultés monétaires dont il s’agit.

Quant à la Banque de France, nous la retrouvons dans une situation très forte et qui exclut toute possibilité d’une modification quelconque dans le taux du loyer de l’argent. Malgré l’écart de 1 1/2 pour 100 entre le taux officiel de Londres (5 pour 100) et le nôtre (3 1/2 pour 100), la Banque n’a vu depuis trois semaines fléchir le montant de son stock d’or que de 25 millions environ. Ce stock d’or s’élève encore à 988 millions ; il dépasse de 375 millions environ le montant de l’année dernière à pareille époque, et alors nous avions des sommes énormes à payer à l’Amérique pour ses envois de céréales. Le portefeuille se maintient à un chiffre normal, le montant des avances a décru. Il faudrait assurément des circonstances extraordinaires, actuellement imprévues, pour amener la Banque de France à élever le taux de l’escompte au-dessus de 3 1/2 pour 100.

Comme les craintes avaient été assez vives à ce sujet depuis le commencement du mois, il ne serait pas étonnant que la spéculation, maintenant rassurée, se tournât du côté de nos fonds publics pendant la seconde quinzaine.

Le 5 pour 100 turc a eu un marché très agité et la Banque ottomane a été portée de 805 à 835 pour revenir ensuite à 820. Depuis quinze jours, il était question d’une émission que la Banque ottomane allait lancer sur les marchés de Londres et de Paris pendant la dernière