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« Merveilleux effets des machines, dit avec raison M. Grad, qui deviennent ainsi des instrumens de richesse en même temps que d’émancipation. » Quand les femmes et les enfans de nos vallées des Vosges filaient le coton à la main, ils recevaient un salaire de 18 sous par livre de filé : soit 30 ou 40 centimes par jour. Aujourd’hui, l’ouvrier fileur gagne de 3 fr. 50 à 4 fr. 50, les femmes de 1 fr. 50 à 2 fr. et les enfans 1 fr. ; et ils jouissent en outre d’un bien-être que ne connaissaient pas leurs pères.

Les ateliers bien tenus, comme ceux de Logelbach appartenant à M. A. Herzog, remplissent en effet toutes les conditions de salubrité désirables. Ils sont bâtis en rez-de-chaussée, spacieux, éclairés par en haut, ventilés et arrosés de façon qu’il y règne une température uniforme. Ils sont d’une extrême propreté, pourvus de vestiaires et de fontaines où les ouvriers peuvent changer de vêtemens et faire leurs ablutions. À la plupart d’entre eux sont annexés des écoles, des hospices et des institutions de prévoyance, qui prouvent la sollicitude des patrons pour les besoins moraux de leurs ouvriers aussi bien que pour leurs besoins matériels. La plus ancienne filature d’Alsace est celle de Wesserling, qui fut fondée en 1803 ; mais elle n’est pas la plus ancienne de France, car il en existait à Amiens depuis 1773. Après celle de Wesserling s’élevèrent successivement celle de Bollwiller en 1804 à M. Lischy-Dollfus ; en 1805, celle de Willer à M. Isaac Kœchlin ; en 1807, celle de Massevaux à M. Nicolas Kœchlin : en 1817, celle de Guebwiller à M. Nicolas Schlumberger et Cie, en 1818, celle de Logelbach à M. Herzog ; puis vinrent celles de Mulhouse, de Schirmeck, etc. Toutes ces filatures sont à la hauteur des derniers progrès réalisés et peuvent lutter avec celles de l’Angleterre pour la perfection des produits et la finesse des filés. Quelques-unes même ont des spécialités où elles sont sans rivales ; c’est ainsi que celle de Dornach, près de Mulhouse, appartenant a la maison Dollfus-Mieg, fabrique des fils à coudre connus du monde entier sous le nom de fils d’Alsace.

Ainsi que nous l’avons dit, l’ensemble des filatures alsaciennes comprenait, au moment de la guerre, 1,700,000 broches, soit plus du cinquième des 7,400,000 que possédait la France entière ; et plus de la moitié des 3 millions que possédait l’Allemagne. Ces simples chiffres suffisent à faire comprendre la perturbation que le déplacement de la ligne de douanes, transportée du Rhin aux Vosges, a dû causer à la situation industrielle des deux pays en rejetant sur l’Allemagne les produits qui, jusqu’alors, trouvaient en France leur écoulement naturel.

Le tissage est la seconde transformation que doit subir le coton pour être approprié à nos usages. Il consiste, on le sait, à faire