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DEGREVEMENS ET AMORTISSEMENT
A PROPOS
DU BUDGET DE 1883

À la fin de l’année 1861, il s’est passé au point de vue financier un fait qui n’est pas sans analogie avec ce que nous avons vu tout récemment. On était ravi de l’élan de prospérité qui s’était manifesté subitement après le coup d’état de 1851 ; chaque année amenait des plus-values considérables dans le produit des impôts, le commerce se développait sensiblement, et ces progrès se trouvaient servis à souhait par la découverte des mines d’or et par l’extension des chemins de fer. Aux esprits chagrins qui se plaignaient, malgré tout, que les dépenses allaient trop vite et qu’on ne se préoccupait pas assez, sinon de les réduire, tout au moins d’en arrêter l’augmentation, on répondait que la plus-value incessante des impôts n’aurait pas de peine à les couvrir. On vivait enfin dans une grande quiétude, sans souci de l’avenir. Tout à coup parut un mémoire rédigé par un homme qui avait déjà été ministre des finances, l’honorable M. Fould. Dans ce mémoire, on jetait un cri d’alarme, on disait que la situation était loin d’être ce qu’elle paraissait, qu’il y avait des embarras sérieux et que, si on continuait dans la même voie, on s’exposait à de graves dangers ; on montrait notamment qu’en huit années, de 1851 à 1858, il avait été absorbé pour 2 milliards 400 millions de crédits extraordinaires, et qu’il fallait y ajouter encore 400 millions pour les trois derniers exercices ; on avait de plus emprunté 2 milliards dans l’intervalle, et la dette flottante dépassait un milliard : il était temps de s’arrêter. La conclusion du mémoire était qu’il fallait surtout enrayer les crédits supplémentaires et extraordinaires. Ce travail fit beaucoup de bruit dans le temps ; l’empereur en fut ému, comme tout le monde, et