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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/177

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adressaient chaque jour un télégramme météorologique à l’Observatoire de Paris, onze autres expédiaient leurs observations par la poste. Bientôt aussi les pays voisins commencèrent à contribuer à ces envois réguliers. Vers la fin de l’année 1857, on décida d’insérer ces documens dans le Bulletin international, publication qui devint quotidienne à partir du 1er janvier 1858 et qui paraît régulièrement depuis cette époque.

Ces trois années marqueront dans l’histoire de la météorologie. Quelles qu’aient été les premières origines et la filiation des idées qui ont pris corps à cette époque, il faut convenir que c’est Le Verrier qui a vraiment fondé la météorologie télégraphique. Il a fallu sa rare énergie et l’indiscutable autorité de sa parole pour vaincre les préjugés, l’indifférence, l’inertie, tous ces obstacles sans nombre que toute innovation rencontre sur son chemin. Il a retracé lui-même l’histoire de ses efforts et de ses luttes dans un écrit qui n’a reçu qu’une publicité très restreinte, mais dont nous trouvons de nombreux extraits dans une intéressante étude de M. Brault, intitulée : Le Verrier météorologiste[1]. On l’y voit, au milieu d’entraves et d’ennuis de toute sorte, avançant à pas lents. « Je n’avais songé, dit-il, qu’aux difficultés inhérentes à la question scientifique, sans prévoir les embarras de toute nature et les obstacles qu’on nous a sans cesse opposés et contre lesquels aujourd’hui encore il nous faut lutter chaque jour. » Et il ajoute « qu’en disant ces choses, son but est de faire comprendre, à ceux qui ne s’en doutent guère et qui ne voient que les résultats d’une organisation, de combien d’entraves les ennemis de tout progrès ont toujours soin de l’entourer et à quel prix on peut espérer en triompher. » Peut-être bien que l’humeur acariâtre et les façons impérieuses de l’illustre astronome n’ont pas toujours été étrangères aux complications où il se débattait ; cependant les résistances passives qui usent les forces des inventeurs sont un phénomène trop ordinaire pour qu’il y ait lieu de s’étonner de ses plaintes.

Le Verrier affirme que, dès l’année 1857, il avait proposé au ministre de la marine de se servir du réseau météorologique établi pour suivre les tempêtes à la surface de l’Europe et prévenir les ports de l’approche du fléau ; diverses causes, et surtout les hésitations qu’il rencontra au sein d’une commission nommée pour s’occuper de cette affaire, retardèrent, nous dit-il, la mise à exécution de son projet. Les première essais d’avertissement des ports eurent lieu en 1860. En 1857, les stations étrangères qui envoyaient des informations à l’Observatoire de Paris n’étaient encore qu’au nombre de cinq (Bruxelles, Genève, Madrid, Rome, Turin) ; mais le réseau

  1. Annales du Bureau central météorologique de France, année 1879, tome I.