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pour qu’elles atteignent leur but par leur premier projectile, et le temps leur manque pour en tirer un second. Quand on garnirait de batteries la passe que doit suivre un navire, si la passe est large, chacune d’elles serait dans les mêmes conditions de tir. Pour suppléer à l’insuffisance des forts et protéger des entrées considérées autrefois comme infranchissables, on a semé ces espaces de torpilles. Mais ces instrumens destructeurs ne peuvent pas être employés partout ; au-delà de 15 mètres de profondeur, la colonne d’eau à soulever est trop considérable pour que les torpilles de fond aient un effet sérieux. Il faut immerger des torpilles flottantes ; or celles qui éclatent au choc rendent la route également dangereuse aux amis et aux ennemis ; celles qui éclatent à volonté donnent des résultats sans précision, pour peu que l’observatoire soit éloigné, le temps brumeux, la nuit noire, ou l’engin déplacé par la force des courans. Enfin, le séjour dans la mer soumet les récipiens métalliques et les fils à des causes multiples de détérioration. Sans doute, durant la guerre turco-russe, les torpilles ont détruit des bâtimens cuirassés, mais dans le Danube profond de quelques mètres et large de 200 à peine, elles trouvaient les conditions les plus favorables. Même dans les embouchures peu profondes des fleuves américains, les torpilles, qui firent sauter un si grand nombre de navires, n’ont pas arrêté le passage des escadres fédérales. Et de grandes expériences accomplies au mois d’août 1880 dans la rade de Portsmouth ont paru établir la possibilité pour une flotte de forcer des passes de 1,500 à 2,000 mètres, même protégées par de l’artillerie et des torpilles. Si aucun de ces moyens n’a d’efficacité certaine contre les bâtimens de combat, ils sont bien moins puissans encore contre les navires que protège non leur masse, mais leur petitesse. Quel obstacle offrent les issues des anciennes rades aux torpilleurs longs de 20 à 30 mètres, larges de 2 à 4, profonds de 1 mètre et dépassant 20 nœuds de vitesse ? Toute route leur est bonne ; les hauts-fonds qui arrêtent les autres navires leur sont le chemin le plus sûr parce qu’il est le moins défendu ; ils passent sans les toucher sur les engins que doit faire éclater le choc de coques plus profondes ; tandis qu’ils s’avancent à toute vitesse, la hauteur ordinaire des vagues suffit presque à les dérober aux regards ; ils n’offrent pas de prise à l’artillerie, ils ne se révèlent pas par le bruit de leurs machines et la nuit les rend presque invulnérables. Et dès que sont franchies les défenses, dans la rade ouverte, plus d’obstacles et presque plus de périls pour l’agresseur. Est-il un de ces coureurs nocturnes assez invisible pour dérober jusque-là sa marche, — il se glisse sans les éveiller jusqu’aux victimes choisies et leur porte la mort dans le silence. Est-ii un de ces navires dont la puissance garde mal son secret, que servira aux bâtimens mouillés de