désemparé une partie de ses vaisseaux ; il n’eût pas davantage, quelques années plus tard, remonté la Tamise jusqu’à l’embouchure de la Medway et incendié l’arsenal de Chatham. Toute l’histoire de la marine ancienne n’est qu’un long plaidoyer contre les dimensions exagérées du navire de guerre ; l’histoire de la marine moderne n’est pas plus favorable à l’adoption des grands tirans d’eau.
Les leçons ne profitent qu’à ceux qui les comprennent : les Romains s’en prirent follement aux dieux d’un désastre qui n’était dû qu’à l’inexpérience de leurs consuls ; les dieux, pour les punir, leur infligèrent un second naufrage. Une nouvelle flotte, composée de deux cent vingt vaisseaux, venait d’être construite en trois mois. Cette flotte, après avoir soumis la ville de Panorme en Sicile, crut devoir reprendre encore une fois la route de l’Afrique ; elle alla maladroitement s’échouer à Zerbi. Un retour de marée, — car il existe une marée, bien que faible, dans le golfe de Gabès, — la remit à flot. Trop heureux d’être sortis à si peu de frais de péril, les Romains s’empressèrent de regagner le golfe de Palerme. De Panorme, située au fond de ce golfe, ils se lancèrent, sans côtoyer plus longtemps la Sicile, en pleine mer Tyrrhénienne. Cette aventureuse traversée leur coûta cent cinquante vaisseaux. « Ils furent assaillis, nous dit Polybe, par une tempête violente, » mais tout était tempête pour les quinquérèmes. Les consuls se trompèrent et jugèrent mal de l’apparence du temps : la faute chez des consuls n’est-elle pas excusable ? Le grand Duquesne lui-même, Nelson, si constamment hardi, parce qu’il fut constamment heureux, l’amiral Hugon, le marin le plus consommé qu’ait connu notre époque, ne se sont-ils pas laissé prendre, comme de simples légionnaires, à ces brusques trahisons de la Méditerranée ?
Duquesne conduisait une flotte composée de vaisseaux et de galères en Italie ; il commandait directement les vaisseaux, les galères obéissaient aux ordres du duc de Mortemart. La flotte partit des côtes de Provence avec un vent de nord-ouest assez frais ; quand elle fut par le travers du golfe Jouan, le vent tomba et passa au sud-ouest. « M. Duquesne, raconte le capitaine Barras de la Penne embarqué à cette époque sur une des galères, fut tenté d’entrer dans ce port ; cependant, comme le vent le portait toujours à sa route, il la continua. Les galères le suivirent jusque par le travers de Villefranche, où M. le duc de Mortemart alla mouiller, quoique la vent fût encore assez bon pour aller plus loin ; mais, outre que la mer était fort grosse, M. le duc jugea très prudemment, par des signes presque indubitables, qu’il trouverait bientôt le vent contraire s’il continuait sa route. C’est ce qui arriva effectivement à