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il lui semblait que servir les intérêts de la ville aimée des Romains, c’était faire quelque chose pour l’antiquité. Elle appuya la demande des consuls nîmois et disposa son frère à leur accorder ce qu’ils sollicitaient. Au mois de mai de l’année 1539, le roi signa à Fontainebleau des lettres patentes par lesquelles « il crée, érige, ordonne et établit, en la ville et cité de Nîmes, collège, école et université en toutes facultés de grammaire et des arts seulement. » Il met par son ordonnance l’établissement nouveau sur le même pied que les autres universités du royaume et lui accorde de beaux privilèges que nos facultés d’aujourd’hui ne possèdent plus : « Et pourront les docteurs, maîtres et gradués d’icelle université élire, instituer et créer recteur et tous autres officiers d’icelle université, sauf et réservé le conservateur des privilèges royaux d’icelle, dont l’institution et provision nous appartiendra. »

L’université fondée, tout n’était pas fini. Il fallait trouver quelqu’un qui sût lui donner la première impulsion et qui l’aidât, par une administration habile, à traverser sans encombre les difficultés du début. Ce fut encore Marguerite de Valois qui vint au secours des habitans de Nîmes, dont elle était la providence. Elle choisit dans la cour de savans qui l’entourait celui qui lui parut convenir le mieux à cette tâche. Elle avait auprès d’elle un Nîmois, Claude Baduel, à qui elle portait un intérêt très vif, et qui souhaitait sans doute trouver une occasion de rentrer avec honneur dans son pays. Elle l’adressa aux consuls et habitans de Nîmes, avec une lettre où elle faisait son éloge et qu’elle signait familièrement : « La bien vostre, Marguerite. »

Baduel était né dans une situation modeste. Son père, un pauvre marchand qui ne savait pas lire, mais qui comprenait le prix du savoir, avait voulu que son fils fut mieux élevé que lui. L’enfant était studieux ; il profita de l’instruction qu’on donnait dans les écoles de la ville. Quand il eut épuisé tout ce qu’on pouvait y apprendre, se sentant plein d’ardeur pour l’étude et de curiosité pour la science, il s’était mis à chercher ailleurs ce qu’il ne trouvait pas chez lui. Ce désir l’entraîna d’université en université, jusqu’au fond de l’Allemagne. On voyageait alors beaucoup plus que nous ne sommes tentés de le croire. Dans l’orgueil que nous éprouvons de toutes les inventions de la science qui ont rendu les communications si faciles, dans l’enivrement où nous sommes de cette vie agitée qui nous jette sur tous les chemins, nous nous figurons volontiers qu’autrefois les gens restaient confinés chez eux. C’est une grande erreur ; il y avait alors, comme aujourd’hui, beaucoup de personnes qui couraient le monde, et notamment ceux qui voulaient s’instruire n’hésitaient pas à entreprendre de fort longs