Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/633

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volontairement par la prise de bourses, l’ouverture de bibliothèques, etc. En restant sur le terrain seul de l’instruction primaire, il importe de remarquer les changemens considérables apportés dans la situation actuelle par la loi relative à la gratuité et à l’obligation de l’enseignement primaire. Les 4 centimes facultatifs qui permettaient l’établissement d’écoles gratuites dans certaines localités ont été supprimées, et la rétribution scolaire a dû également disparaître.

Serait-ce donc que le budget communal va être délivré partout d’une charge dont le poids avait sa gravité ? Mais la loi nouvelle ne diminue pas le coût de l’instruction primaire, loin de là, et l’obligation de l’enseignement laïque l’augmente beaucoup, au contraire, en enlevant aux congrégations religieuses l’enseignement qu’elles procuraient à très bas prix, pour le donner à des instituteurs et à des institutrices dont le traitement veut être bien plus élevé. Qui fera les frais de cette économie procurée aux communes ? L’état. Il s’est engagé à subvenir au déficit résultant du nouvel ordre de choses, et, cette année, il lui en coûte déjà plus de 30 millions[1]. Mais il ne s’agit pas uniquement de payer les maîtres. Puisque l’enseignement est obligatoire, il faut le mettre à portée de tous et bâtir le nombre d’écoles indispensable : les départemens et l’état aideront les communes, mais celles-ci devront s’aider aussi elles-mêmes et s’endetter ; de là la construction de ce qu’on nomme les groupes scolaires et la constitution de la caisse spéciale des écoles fondée sous le patronage direct de l’état. Dans son rapport sur le budget de 1883, M. Ribot porte le capital de cette caisse à 392 millions ; M. Ferry estimait qu’il faudrait en quelques années élever les dépenses à 1 milliard. Il résulte d’une enquête ordonnée par le ministre de l’instruction publique que, dans cinquante-six départemens, 480 millions seront nécessaires pour construire et aménager les maisons d’écoles, que la caisse, dont la dotation est presque épuisée, réclame un nouveau fonds de 120 millions et que les dépenses à faire s’élèvent encore à 700 millions. Voilà donc les communes contraintes de pourvoir par des emprunts, c’est-à-dire par la perception de centimes additionnels, à ces constructions obligatoires, dont le modèle généralement adopté affecte des proportions d’un luxe le plus souvent inutile, et si, d’un côté, on a soulagé leur budget, d’un autre on le rend plus lourd ; mais, à part ces dépenses qui, une fois faites, ne se renouvelleront plus, comment ne pas croire que le paiement de la gratuité, facultatif d’abord

  1. M. Ribot, dans son rapport sur le budget de 1883, signale spécialement une demande tardive de 19 millions pour compléter le traitement des instituteurs primaires.