complots patriotiques avaient éclaté à Rouen et à Cherbourg, aux deux extrémités de la province. Une panique générale s’était emparée des soldats anglais ; il avait fallu leur interdire l’accès des ports du littoral, où ils couraient en foule, affolés par la peur, pour se rembarquer et regagner leur île ; à voir l’effarement de ces déserteurs, il eût semblé qu’ils avaient le diable à leurs trousses. Supposez le corps expéditionnaire rassemblé par « le beau duc, » profitant d’un tel désarroi pour pénétrer dans l’Avranchin et faire sa jonction avec les défenseurs du Mont, qui ne sent qu’électrisée à l’appel de Jeanne, domptée, mais non-soumise, la Normandie tout entière se serait aussitôt soulevée pour chasser les envahisseurs ?
Quoi qu’il en soit, on dirait que, dans la seconde moitié du XVe siècle comme dans la première, dans la gloire aussi bien que dans l’épreuve, Jeanne d’Arc et le Mont-Saint-Michel ont eu en quelque sorte leurs destinées inséparables ; et les deux rapprochemens qui s’offrent à ce point de vue aux réflexions de l’historien, pour être fortuits jusqu’à un certain point, n’en sont pas moins curieux. De 1452 à 1456, quand on procéda à la réhabilitation de la victime de Pierre Cauchon, de la martyre du Vieux-Marché, ce fut un abbé du Mont-Saint-Michel, ce fut un frère de Louis d’Estouteville, capitaine du Mont pendant trente-neuf ans, en d’autres termes, ce fut le cardinal Guillaume d’Estouteville, archevêque de Rouen, qui remplit l’office de promoteur du procès, qui présida les premières enquêtes et eut la gloire d’attacher son nom à cette œuvre réparatrice. Et lorsque, quelques années plus tard, en 1469, Louis XI fonda l’ordre de Saint-Michel et en plaça le siège dans l’abbaye située au péril de la mer, il ne se proposa pas seulement d’honorer le tout-puissant protecteur dont l’invisible épée avait protégé son sanctuaire contre toutes les attaques des Anglais : il voulut aussi, il est permis de le croire, témoigner avec éclat sa gratitude envers l’archange qui avait été le principal inspirateur de la mission de Jeanne d’Arc et par suite le dispensateur du salut de la France.
Les recherches qui précèdent n’ont eu et ne pouvaient avoir d’autre but que de signaler les origines humaines, historiques de la mission de la libératrice d’Orléans. Ce but a été atteint si, sans amoindrir l’incomparable grandeur de cette mission et de l’héroïne qui a su l’accomplir, nous avons réussi à faire mieux comprendre l’épisode le plus prodigieux de notre histoire et de toutes les histoires. Quant aux origines célestes, divines, dont les biographes