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auparavant, sur ce que les cinq cents lettres de noblesse accordées précédemment n’avaient pas suffi aux demandes. La vérité, c’est que les sommes versées par les anoblis antérieurs ne suffisaient pas aux exigences du trésor, l’exemption des taxes ne portant que sur ce qu’on appelait les lettres de confirmation. Le prix des lettres patentes était fixé à 6,000 livres, plus, comme toujours, les deux sous pour livre. D’abord on n’avait concédé aux acquéreurs que le titre d’écuyer, mais le public se montra peu empressé à payer si cher cette modeste qualité. En novembre 1702, un édit royal porta création de deux cents chevaliers. Deux ans plus tard, on vendait encore cent lettres de noblesse. Le roi les révoqua bientôt sous prétexte que ces lettres avaient été accordées aux officiers supérieurs des cours du royaume et qu’il importait à la considération de la noblesse qu’on ne la prodiguât pas trop. De telles révocations furent le moyen arbitraire dont on abusa pour restreindre le chiffre croissant des nobles. Les anoblis dépossédés de leur noblesse ayant financé pour obtenir leurs lettres, c’était là une véritable banqueroute. En novembre 1640, Louis XIII avait aboli tous les anoblissemens accordés depuis 1610 qui n’avaient point été depuis confirmés. L’édit royal d’août 1664 révoquait tous les anoblissemens postérieurs au 1er  janvier 1611, et, par une mesure plus radicale encore, l’arrêt du conseil du 2 mai 1730 frappa en masse de nullité les lettres de noblesse concédées de 1643 au 1er  septembre 1715 ; un autre édit du mois d’avril 1771 celles accordées depuis le 1er  janvier 1715. Il ne s’agissait, du reste, ici que des anoblissemens vendus pour une somme fixe, non des lettres conférant la noblesse comme récompense spéciale, ni de celles qui érigeaient en faveur d’un gentilhomme un fief de dignité. D’ailleurs toutes ces révocations n’étaient, en réalité, que conditionnelles ; elles avaient pour conséquence d’obliger les anoblis à établir que la noblesse ne leur avait point été concédée moyennant finances et à leurs sollicitations, qu’ils la possédaient depuis longtemps par un acte de la libre volonté du prince, et c’était encore en payant qu’on fournissait cette preuve. Le roi avait déclaré dans plusieurs des édits d’anoblissement que la noblesse n’était pas instituée seulement pour récompenser ceux qui le servaient sur les champs de bataille, qu’il y avait d’autres moyens que les armes pour l’aider à soutenir ses guerres, qu’on le faisait aussi en lui accordant des subsides, de sorte que ceux qui s’empressaient de lui offrir leur argent avaient autant de titres à être anoblis que les braves qui versaient leur sang. C’était, comme on le voit, un aveu peu déguisé du caractère vénal qu’on faisait prendre à la noblesse. On annonça, il est vrai, que les lettres ne pourraient être accordées qu’après une enquête sur la vie et les mœurs de ceux qui les sollicitaient, et, dans les déclarations, on