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I.

Le relief du sol, caractérisé par la saillie des chaînes de montagnes et des plateaux, est habituellement ramené à la considération des bassins hydrologiques formés par le groupement des versans, ayant une artère commune d’écoulement des eaux pluviales. Il y a cependant une distinction à faire entre ce relief hydrologique, dont les lignes de thalweg sont parfois déterminées par un simple accident géologique, et le relief orographique dessiné par la saillie continue des plus hautes cimes, qui donne une idée beaucoup plus précise de la structure générale d’une région.

Un exemple fera plus nettement ressortir cette différence, et nous le choisirons sous nos yeux dans la carte d’Europe. Cette partie du monde présente en son milieu une saillie dorsale fortement accusée, la chaîne des Alpes, qui, se rattachant à l’ouest aux montagnes du centre de la France, se prolongeant à l’est par les montagnes illyriennes, constitue un faîte de partage indiqué pour séparer les versans inclinés au nord vers l’Océan, de ceux qui penchent au midi vers la Méditerranée. Et cependant le caractère orographique est en désaccord avec le fait hydrologique, car on sait que notre plus grand bassin fluvial, celui du Danube, situé au nord des Alpes, dont il draine les versans septentrionaux, débouche au sud par la Mer-Noire dans la cuvette de la Méditerranée. Cette discordance est, en réalité, plus apparente que réelle et ne résulte que de ce que j’appelais tout à l’heure un accident géologique. Si l’on considère avec quelque attention la carte du bassin du Danube, on reconnaît aisément que la vallée du fleuve, bien qu’ayant son issue de fait dans la Mer-Noire, n’en est pas moins orientée plutôt vers le nord-ouest, où elle s’ouvre par des plateaux de faible hauteur vers le lac de Constance et la vallée du Rhin, que vers le sud-est, où elle est barrée par la haute chaîne des Carpathes. L’ensemble géologique de la vallée centrale du Danube a longtemps constitué, en effet, deux grands lacs intérieurs qui se sont vidés par les brèches de Presbourg et des Portes de fer d’Orsova. Si le dernier barrage avait tenu bon, les eaux auraient nécessairement pris leur cours dans le sens naturel de la pente générale du terrain dirigée vers le nord-ouest par la vallée du Rhin. Hydrologiquement, tous les versans du Danube appartiennent au bassin méditerranéen ; orographiquement, ceux qui sont en amont des Portes de fer devraient être rattachés au groupe des bassins de la mer du Nord.

Si, dans ce cas particulier, la considération des limites naturelles nous oblige à restreindre l’étendue de fait d’un bassin hydrologique