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douce, unies à celles du Nil et du Pô ; l’autre, comparable à la mer d’Aral, évaporerait le Rhône, et le peu qu’elle pourrait peut-être recevoir des derniers égouttages de l’Ebre. Quant aux espaces intermédiaires ils se trouveraient transformés en steppes analogues à ceux de la dépression aralo-caspienne. Cette première conclusion ne résulte pas seulement de chiffres précis, elle repose sur une hypothèse beaucoup trop favorable. Nous avons raisonné comme si le climat des versans méditerranéens directs ne devrait pas être modifié par cette transformation géologique, si minime cependant en elle-même qu’il serait presque au pouvoir de l’homme de la réaliser ; si, ne trouvant plus dans la guerre un élément suffisant à sa soif de destruction, il lui prenait fantaisie d’anéantir d’un seul coup la race humaine dans cette région de l’Europe méridionale où elle a pris son premier et son plus bel essor.

En fait, les choses se passeraient autrement. La majeure partie de l’eau évaporée par la Méditerranée saturant au passage le vent polaire prédominant, traverse avec lui le Sahara, pour aller se fondre dans le grand courant vertical des tropiques qui en détermine la précipitation. Une certaine partie de cette eau cependant, ramenée par les vents accidentels du sud et sud-est, alimente sur place les pluies du versant européen, et continue à rafraîchir la zone du versant opposé. Mais si, la Méditerranée réduisant progressivement sa surface, cet appoint insuffisant d’humidité venait à manquer, les vents du sud devenus aussi secs sur nos côtes que ceux du nord le seraient sur celles d’Afrique, ce ne sont plus les conditions de la dépression Caspienne plus éloignée des tropiques, flanquée, au sud, du massif du Caucase, et dans le lointain des hautes cimes des monts de l’Asie centrale, ce sont les conditions du Sahara, tout au moins, qui se produiraient dans la cuvette et sur les rives septentrionales de la Méditerranée. Les Alpes, devenues au nord ce que le Caucase est au sud, une île montagneuse dans le désert, le Rhône, le Pô mis à sec dès leurs sources, n’approvisionneraient plus que d’arides sebkhas. Quant au Sahara lui-même, il arriverait à un état de siccité qui ferait certainement disparaître jusqu’à la dernière de ses oasis, dont le chapelet discontinu serait probablement refoulé dans la vallée du Niger lui-même asséché.

Par une hypothèse contraire, à la réalisation de laquelle l’homme cette fois ne pourrait avoir aucune part, admettons que, par un déplacement de l’axe terrestre, l’orientation générale du bassin méditerranéen vienne à être modifiée ; que l’axe de cette dépression centrale, au lieu de suivre obliquement la direction moyenne du 40e parallèle, soit couché sur le cercle de l’équateur dans les conditions où se trouve aujourd’hui l’axe du bassin des Amazones, des conditions du climat seront immédiatement renversées. Au lieu