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L’analogie est surtout frappante avec le toucouleur. Mais si l’on veut se rappeler que, depuis des siècles, les Pouls sont sur les bords du Sénégal, que même avant l’invasion des Dénianké, les Pouls conquérans venus du Fouladougou, les premiers Pouls pasteurs s’étaient unis aux familles sérères et ouolofs, donnant ainsi naissance à la caste des Torodo, Toucouleurs qui, bien que noirs, ont des traits européens, on ne s’étonnera pas des mots communs que l’on trouve dans ces trois langues. Les Pouls se servent de l’écriture arabe, et les lettrés écrivent correctement dans cette langue, qui sert aux relations diplomatiques avec les peuples du Soudan.

Les écoles sont nombreuses au Fouta-Djalon. Les professeurs les plus célèbres sont à Donhal Fella, à Fougoumba, à Labé et chez les Houbbous, qui sont des marabouts très instruits, mais indépendans de l’almamy du Fouta. Les jeunes filles apprennent à lire, mais on ne leur enseigne que les premiers versets du Koran ; ensuite leur instruction est jugée suffisante.

Quant aux jeunes gens, ils lisent et commentent « le livre sacré. » Quelques-uns vont au Boundou ou même chez les Maures du Tagant compléter leur éducation et reviennent ensuite dans leur pays. L’homme instruit est vénéré et respecté de tous. Ils ne lisent toute leur vie qu’un livre : le Koran. Jamais le proverbe : que l’homme d’un seul livre est à craindre n’a été plus vrai que des Pouls. C’est ce qui fait la force de l’islam en apprenant à ses adeptes la résignation et le fanatisme, c’est ce qui pousse ces tribus pastorales dans leur marche conquérante.

Ils ignorent l’histoire, mais leurs marabouts en ont composé une. Elle est dans le Koran des Pouls, qui est non-seulement le texte de la religion, plus ou moins altéré et approprié à leur race et au milieu dans lequel ils vivent, mais encore un livre légendaire, montrant le triomphe de l’islam sur les peuples blancs ou noirs, apprenant aux enfans que leurs pères étaient aux côtés de Mohammed, dont ils étaient les plus fermes soutiens, et que l’avenir sur le Niger et dans l’Afrique occidentale leur appartient s’ils marchent toujours « dans le sentier droit. »

Je me hâte d’ajouter, à la louange de ce vaillant peuple, que leur fanatisme est resté doux envers les Européens, s’il a été inexorable pour les populations fétichistes qui les entourent. Aucun voyageur jusqu’à ce jour n’a été massacré par eux.

Thompson, le missionnaire anglais, est mort au village de Dara, près Timbo, entouré de la sollicitude des parens de l’almamy Alfaia Ibrahima Sory. Il était venu chez les Pouls pour les convertir au protestantisme. Les marabouts de Timbo l’écoutèrent avec bienveillance, discutèrent avec lui, ne le laissèrent manquer de rien et lui dirent qu’ils espéraient que Dieu et Mohammed ouvriraient les yeux