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blancs. Ils sont venus de l’est, et la tribu qui a envahi les hauts plateaux du Ba-Fing, de la Gambie et du Rio-Grande, arrivait du Massina, pays situé sur la rive droite du Niger entre Ségou et Timbouctou. À cette époque, tous les Pouls n’étaient pas musulmans, et même aujourd’hui on rencontre, dans le Ouassoulou et le Kankan, des Pouls nomades qui n’ont qu’un seul culte, celui de leurs troupeaux qu’ils font prospérer le mieux qu’ils peuvent sans se préoccuper du lendemain. Il y a près de deux siècles que ce peuple habite cette contrée, où il avait trouvé une population nombreuse, les Dialonkés, qui faisaient partie de la grande famille mandingue.

Les Pouls se dispersèrent dans le Dialooka-Dougou (Dialonké, pays), c’était le nom du pays, à la recherche des meilleurs pâturages et ne tardèrent pas à voir leurs troupeaux prospérer sur ce sol fertile. D’autres Pouls descendirent du Fouta sénégalais, où, au commencement du XVIIIe siècle, Abdou-el-Kader avait fondé un grand état, et se mêlèrent aux tribus venues de l’est.

Les tribus vivaient à l’état d’isolement. Quelques noms de chefs étaient prononcés, mais aucun n’avait eu l’idée d’unir tous les Pouls en une même nation et de les rendre par-là capables de se faire respecter d’abord et de devenir ensuite les maîtres de ces pays si fertiles. C’est à Modi Maka Maoudo (Maka le Grand), grand-père de Modi Djogo, président actuel de l’assemblée des anciens à Timbo, que devait venir cette pensée qui a fait la grandeur de son pays.

À leur arrivée, les Pouls étaient conduits par deux frères, Séri et Seidi, de la famille princière des Sidiankés, à laquelle appartenait Ahmadou-Lobbo, chef du Massina. À cette époque, les chefs pouls, comme aujourd’hui, portaient des titres de noblesse. Alfa était le premier titre ; venaient ensuite les tierno et les modi. Modi correspond au titre espagnol don.

Séri et Seidi vivaient dans les environs de Fougoumba, où commençaient déjà à se réunir des assemblées populaires. L’histoire ne parle pas des enfans de Séri. Seidi, qui était plus remuant que son frère, prenait peu à peu de l’importance ; il eut un fils appelé Sambégou, qui lui succéda. Sambégou eut pour descendant Madi, qui fut remplacé par son fils Alfa Kikala. Kikala eut deux fils, Nouhou et Malik Sy. Les deux frères vécurent en bonne intelligence.

Fougoumba devenait de plus en plus le centre intellectuel et politique des Pouls. Des écoles où l’on enseignait l’arabe y existaient ; c’est là que furent élevés Alfa, fils de Nouhou, et Ibrahima, fils de Malik Sy. Tous deux étaient très pieux, mais Alfa ne tarda pas à acquérir une instruction supérieure à celle de ses concitoyens, il lut et prêcha le Koran avec une telle éloquence qu’on lui décerna le titre de karamoko, l’illustre, et désormais Karamoko Alfa fut vénéré comme un grand marabout.