d’avoir croire l’auteur du décret, se défendant tout d’abord « voulu porter atteinte au droit de propriété dans la personne des princes de la famille d’Orléans? » Ah! si l’on avait confisqué, l’hésitation n’était pas permise.
Montesquieu, Voltaire, Servan, presque tous les philosophes du XVIIIe siècle ont flétri la confiscation. On la retrouvait alors à chaque page de nos codes criminels, qui l’attachaient comme peine accessoire, non-seulement à la mort naturelle, mais à toute peine capitale entraînant la mort civile, par exemple au bannissement perpétuel et aux galères perpétuelles. C’était, parmi les odieux abus de l’ancienne justice criminelle, un des plus odieux. Le législateur, après avoir frappé le coupable dans l’intérêt du corps social, le dépouillait dans l’intérêt du fisc : il ouvrait sa succession, vécût-il encore, et déshéritait totalement ou partiellement ses enfans innocens. Il punissait la famille d’un crime qu’elle n’avait pas commis et la punissait en la ruinant. Enfin, pour que cette iniquité n’eût pas de bornes, il mettait généralement en éveil, dans presque toute l’Europe, les convoitises privées : tantôt il abandonnait la proie à quelque délateur, tantôt c’était le roi lui-même qui se dessaisissait au profit d’un courtisan. Les « dons de confiscation » tiennent une grande place, chacun le sait, dans l’ancienne jurisprudence française et dans les écrits de nos vieux criminalistes. Aussi les cahiers de 1789 ne furent-ils, sur aucun autre point, plus indignés, plus impérieux et plus précis. On sait quel compte en tint la convention nationale : « La guillotine a expédié hier et aujourd’hui quarante-trois scélérats qui ont laissé à la république près de 30 millions, écrivait Maignet, en mission à Marseille, au comité de salut public. » La confiscation ne fut abolie que par la charte de 1814.
« Elle ne pourra pas être rétablie, » dit l’article 66 de cette charte. Mais il y a deux façons de rétablir la confiscation. On peut la ressusciter au grand jour en la classant de nouveau parmi les peines que le pouvoir judiciaire doit quotidiennement appliquer. A vrai dire, l’entreprise serait téméraire ; elle ne pourrait être tentée que dans un moment de délire révolutionnaire et ne survivrait pas à l’accès. On peut faire aussi rentrer la confiscation par la petite porte et comme à la dérobée en mettant, par décret, la main sur un ensemble de propriétés privées. Les propriétaires réclameront, à coup sûr, et rappelleront au spoliateur que la confiscation est rayée de nos lois. Celui-ci répliquera qu’il respecte la propriété privée et que la confiscation lui fait horreur, mais ne rendra rien, et s’arrangera pour dessaisir les tribunaux de droit commun si la question leur est soumise. Cette sorte de confiscation est la plus dangereuse