pas, la donation du 7 août n’en serait pas moins un contrat librement consenti à une époque où son auteur n’était enchaîné, quant à la disposition de ses biens, par aucun lien de notre droit public. » Non-seulement la proposition de Jules Favre ne fut pas adoptée, mais, quand elle fut soumise, le 25 octobre 1848, à l’épreuve de la discussion publique, le grand avocat déserta cette mauvaise cause et garda le silence[1]. Louis-Philippe venait d’être renversé. S’il avait eu des courtisans en 1832, il ne lui restait plus que des juges et peut-être, dans cette période de réaction contre le gouvernement de juillet, des juges prévenus : en tout cas, l’assemblée républicaine de 1848 était incapable d’une lâche complaisance envers ce régime. Berryer vint lui dire : «Loin de rechercher dans les circonstances présentes une occasion d’annuler un tel acte (la donation du 7 août 1830), la justice, la bonne foi, la dignité nationale doivent l’entourer d’un respect plus sévère. » Elle écouta ce langage et le comprit : on ne cessa de le comprendre que le 22 janvier 1852.
Le gouvernement de M. Thiers et l’assemblée de 1871 ne se trompèrent donc pas lorsqu’ils envisagèrent l’acte de 1852 comme une confiscation administrative, et firent leur devoir en réparant cette grande faute. A vrai dire, l’auteur du décret, réunissant toutes ses forces pour porter un coup suprême aux princes dépossédés, avait fait observer, dans un considérant final, « qu’il leur restait encore plus de 100 millions, avec lesquels ils pouvaient soutenir leur rang à l’étranger. » En poussant ce principe à ses conséquences, il faudrait reconnaître à l’état le droit d’exproprier sans indemnité
- ↑ La loi du 25 octobre 1848 s’exprima en ces termes : « Le ministre des finances est autorisé à prendre les mesures administratives qu’il jugera convenables pour opérer l’entière liquidation des dettes de l’ancienne liste civile et du domaine privé... Le liquidateur général pourra, dans l’intérêt de la liquidation, stipuler toutes hypothèques et prendre toutes inscriptions sur les biens compris dans le séquestre, en son nom, pour la masse des créanciers. Dans le cas où, pour activer la liquidation, un emprunt sera jugé nécessaire, il sera négocié par les mandataires des propriétaires, avec le concours du liquidateur-général et sous l’autorisation du ministre des finances. » La liquidation de la liste civile et du domaine privé avait à pourvoir à un passif considérable. Douze millions étaient dus par la liste civile, et vingt millions par le roi personnellement. Toutes ces dettes furent acquittées au moyen de l’emprunt autorisé par la loi d’octobre 1848. « Comment! dit à ce propos M. Robert de Massy dans son rapport du 9 mars 1872 à l’assemblée nationale, les princes d’Orléans sont les débiteurs du passif, ce sont eux qui empruntent sur leurs biens, l’état a une hypothèque sur ces mêmes biens contre eux, les décrets des assemblées constituante et législative autorisent tous ces actes; le ministre des finances est présent et signe, et il sera possible ensuite de venir dire : Les biens sur lesquels l’état a pris hypothèque étaient à l’état depuis le 9 août 1830, en dépit de la maxime Nemini res sua servit; les emprunteurs qui ont consenti ces hypothèques à des tiers pour vingt millions ont hypothéqué la chose d’autrui, c’est-à-dire de l’état! » Nous n’apercevons pas ce qu’on pourrait opposer à cette argumentation.