les crevasses des soubassemens des maisons, et le franghi curieux et noctambule peut apercevoir, à travers les planches mal jointes qui servent de murailles, des scènes intimes qui, pour être orientales, ne sont pas toujours empreintes de la plus pure poésie.
La police de la ville se compose de seize zaptiés, qui ne sont peut-être pas payés très régulièrement, — je veux le croire, du moins, pour l’honneur de l’uniforme... qu’ils pourraient avoir, — car ils acceptent facilement le bakchich. Lors de mon arrivée, la première personne que je rencontrai fut un de ces pauvres diables qui, rassemblant tout ce qu’il savait d’aimable dans une langue civilisée, me salua d’un : « Bravo! » en me tendant la main. Était-ce pour serrer la mienne ou pour me demander d’augmenter son casuel? Je n’en sais rien... Toujours est-il que je me débarrassai de cet honorable garde-champêtre en lui donnant quelques kreutzers, qu’il reçut avec une dignité froide et une satisfaction marquée. La ville de Dervend ferait peut-être mieux d’avoir un peu moins de zaptiés et un peu plus de soin de ses rues, qui sont dans un état lamentable et qui se changent en fondrières à la moindre pluie.
Ce lieu de délices possède encore deux hôtels, l’hôtel Kostitch, le plus ancien, et le nouveau, le meilleur et le plus à la mode, l’hôtel Europa. On y trouve une unique chambre à deux lits, pavée en briques et munie des meubles et des ustensiles rigoureusement indispensables-, en un mot, le suprême confort des hôtels de province... en Bosnie. Quant aux draps, par exemple, ils sont là, comme ailleurs dans les pays jougo-slaves, à peu près inconnus; on les remplace avantageusement, — pour le budget de blanchissage de la maison, — par des pièces de toile carrées boutonnées ou cousues aux couvertures et qu’on change seulement quand elles sont sales... Heureux le voyageur qui passe le premier !.. En m’introduisent dans cette unique chambre, le patron de l’Europa, croyant sans doute me faire plaisir en me donnant cette bonne nouvelle, m’affirma que, pour 100 florins, je ne trouverais pas un appartement pareil jusqu’à Serajewo. C’est possible; mais la perspective manque d’agrément quand on a encore une dizaine d’étapes à faire avant d’arriver à la capitale bosniaque.
Je n’ai plus rien à citer à Dervend que sa rivière, torrent rocailleux que l’on traverse en temps ordinaire en retirant ses chaussettes, — je ne fais ici, bien entendu, aucune allusion aux indigènes qui ignorent l’usage de ce vêtement inutile, — et dans laquelle les femmes lavent leur linge d’une façon encore plus primitive et en montrant leurs jambes un peu plus haut que leurs voisines des bords de la Save.
Puisque je parle du beau sexe, je dirai ici une fois pour toutes