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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/191

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lessivage à l’eau bouillante, les deux savans recueillirent des cristaux de wagnérite quand la magnésie avait été employée comme base du mélange. Ils obtinrent à volonté, par un artifice ingénieux, soit l’apatite, soit une wagnérite calcique, lorsque au contraire c’était la chaux qui avait servi de base dans l’expérience. Ils montrèrent aussi que l’on pouvait à son gré produire des composés chlorés ou fluorés; mais là ne s’arrêta pas leur succès. Ils parvinrent avec d’autres oxydes à faire naître de nouvelles apatites et de nouvelles wagnérites, complétant ainsi deux familles minéralogiques que la nature avait laissées imparfaites. Certains oxydes, la baryte, la strontiane, l’oxyde de plomb, ne leur donnèrent que des apatites; d’autres, la magnésie, l’oxyde de fer, l’oxyde de magnésie, n’engendrèrent que des wagnérites. La chaux pouvait seule faire partie des deux groupes; elle était donc le pivot auquel aboutissaient, pour ainsi dire, les deux familles minérales en question. Ce rôle de la chaux avait été pressenti d’après d’autres faits du domaine de la chimie et de la minéralogie, mais, dans ce cas, les prévisions théoriques recevaient une éclatante confirmation. Enfin, un élève de Sainte-Claire Deville, M. Lechartier, achevait l’œuvre de son maître en faisant cristalliser par le même procédé que lui, deux séries de composés qui sont les analogues des apatites et des wagnérites, car ils n’en diffèrent que par la substitution de l’acide arsénique à l’acide phosphorique ; ils présentent les mêmes formules chimiques et possèdent les mêmes propriétés cristallographiques.

La méthode de cristallisation par fusion au sein d’un fondant est l’une des plus fécondes qui aient été employées pour la reproduction artificielle des minéraux; aussi la voyons-nous encore, à l’instigation de Sainte-Claire Deville, mise en œuvre par plusieurs de ses élèves, chacun d’eux la modifiant avec art suivant la nature des minéraux à obtenir. M. Lechartier, par exemple, se sert de chlorure de calcium comme fondant pour arriver à la synthèse de divers silicates; M. Margottet obtient des sulfo-arséniures et des sulfo-antimoniures en utilisant le soufre; M. Hautefeuille reproduit plusieurs des minéraux les plus importans des roches éruptives, en prenant comme matière du bain de fusion des tungstates et des vanadates alcalins.

Les résultats de ces belles expériences sont assez intéressans pour que nous essayions d’en donner un rapide aperçu. Les travaux de M. Lechartier ont porté sur les pyroxènes et les péridots. Au lieu de se borner, comme Berthier, à la reproduction de l’un des types de ces corps, il a régénéré les diverses variétés qu’ils sont susceptibles de présenter. Il y avait là deux familles de minéraux dont la nature offre des spécimens variés ; il a su retrouver les membres des deux