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Tel était l’état de la science des synthèses minérales, lorsqu’en 1878 commencèrent dans le laboratoire de géologie du Collège de France les travaux qui ont abouti à la reproduction de presque toutes les roches d’origine ignée. Le titulaire de la chaire et un ingénieur distingué du corps des mines, M. Michel Lévy, sous-directeur du laboratoire, ont travaillé de concert à cette œuvre importante. Plusieurs conditions favorables ont contribué au succès de leur entreprise. L’un et l’autre, adonnés depuis plusieurs années aux études pétrographiques, connaissaient à fond les méthodes nouvelles d’investigation microscopique, et, par conséquent, pouvaient surmonter les obstacles qui, dans la détermination des résultats, avaient arrêté leurs devanciers. Comme moyens pratiques, ils disposaient des appareils de chauffage perfectionnés dont la chimie a récemment enrichi les laboratoires. Enfin, l’examen attentif des roches volcaniques leur avait manifesté clairement la puissance de la voie ignée pour produire des cristallisations et montré que, pour atteindre ce but, il n’était besoin, ni d’une chaleur excessive, ni d’aucun agent mystérieux, ils savaient que tous les silicates des roches éruptives fondent à une température inférieure à celle de la fusion du platine ; par conséquent, le laboratoire du Collège de France possédait des moyens de chauffage suffisans pour procurer la chaleur nécessaire à la cristallisation de ces corps. Toute la difficulté des expériences consistait dans le choix de la température à employer; mais ce choix peut être déterminé par des données positives. Un silicate quelconque, après fusion et refroidissement, se transforme en un verre qui fond à une chaleur moindre que le minéral auquel il doit son origine. Si l’on veut régénérer un de ces corps, arriver à sa cristallisation en partant de ses élémens chimiques, il faut effectuer le recuit du mélange à une température plus basse que celle de la fusion du minéral cristallisé et plus élevée que celle de la fusion du même corps réduit à l’état vitreux. Ces limites entre lesquelles doit être maintenu le chauffage du creuset sont variables d’une espèce à l’autre et souvent très resserrées. Tel minéral ne peut cristalliser qu’au rouge sombre; tel autre exige au contraire la chaleur du rouge blanc et ne peut se former parfois que dans des conditions où le platine des creusets commence à se ramollir. Il semble d’après cela que, lorsqu’il s’agit de refaire artificiellement une roche formée de cinq ou six corps appartenant à des espèces distinctes, le problème à résoudre soit des plus compliqués; cependant la pratique démontre qu’en général deux stades de chauffage suffisent. Pour le basalte, par exemple, qui est composé de minéraux très inégaux au point de vue de la fusibilité, on opère dans un premier recuit au rouge blanc la cristallisation du fer oxydulé et du péridot,