Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE
LIVRE DE M. LE DUC DE BROGLIE
SUR FRÉDÉRIC II ET MARIE-THÉRÈSE

A peine l’empereur Charles VI eut-il succombé, le 20 octobre 1740, à une indigestion de champignons, que Maurice de Saxe écrivit au comte de Brühl : « Voilà le brouillamini général, j’ai une part à y prendre. » Ce qu’écrivait Maurice de Saxe, tout le monde le pensait; il était alors peu de gouvernemens qui ne s’occupassent de calculer leurs chances, de rechercher ce qu’ils pouvaient avoir à perdre ou à gagner dans cette affaire. L’histoire moderne n’offre guère de spectacles plus dramatiques que l’orageuse mêlée à laquelle donna lieu l’ouverture de la succession de Charles VI. L’importance des événemens, la physionomie originale des principaux acteurs, la grandeur des caractères et des figures, tout Goncourt à donner plus d’intérêt à cette époque de crise et de confusion, qui a produit de graves changemens dans la constitution politique de l’Europe. D’un côté, une jeune souveraine qui, abandonnée du ciel et des hommes et sentant la terre manquer sous ses pieds, oppose aux trahisons de la fortune la plus héroïque fermeté d’âme, travaille sans relâche non-seulement à s’assurer la possession de ses états héréditaires, mais à placer la couronne impériale sur la tête d’un disgracieux mari qu’elle prend sous la protection de ses grâces; d’autre part, un roi de vingt-huit ans tenu jusqu’à son avènement à l’écart de tout et révélant dès ses débuts un génie politique