balle, agonisant déjà, dans une petite maison d’un faubourg. L’assassin ? Nul indice, au moins sur le lieu du crime. L’officier de police, éperonné par Fèdora, mène l’enquête ; il interroge les valets, les agens, le passant, — un attaché de l’ambassade de France. Et pendant l’interrogatoire, on voit par des portes entr’ouvertes, puis discrètement refermées, les mouvemens des médecins, des serviteurs qui s’empressent d’un pied suspendu, affairés, silencieux. Un agent apporte le revolver de Wladimir, trouvé auprès de son corps, un coup déchargé ; un domestique déclare qu’il sortait armé depuis qu’il avait reçu des menaces des nihilistes ; un autre, qu’une femme est venue dans l’après-midi lui apporter une lettre et qu’il l’a jetée dans un tiroir en disant : « J’irai ! « La lettre ? Elle n’est plus dans le tiroir. Qui s’est approché de cette table ? Un visiteur inconnu. Le nom de ce visiteur ? Le comte Loris Ypanof. Plus de doute, c’est lui, l’assassin, qui a fait disparaître la trace de son crime, l’invitation au guet-apens. On se précite chez Loris, qui demeure en face. Ses gens déclarent qu’il vient de partir en voyage. Ainsi la police l’a laissé échapper ; et juste au moment où l’on rapporte cette nouvelle, la chambre du fond se rouvre : Wladimir est mort. Les agens de son père n’ont pas su le venger : sa fiancée, sa veuve le vengera. Elle le jure, et nous recevons son serment. Nous n’avons pas le droit de douter de sa décision, de son attachement à la vengeance, après ce prologue qui nous l’a fait connaître, ardente, impérieuse, impatiente de l’obstacle, capable des résolutions et des actions les plus extrêmes. Tout cela, d’ailleurs, nous l’avons appris sans phrases ; nous avons vu tout cela, plutôt qu’on ne nous l’a dit, parmi ces allées et venues qui semblent réglées par le hasard et produisent, sans qu’on se défie de l’artifice, une exacte imitation de la vie. Rarement un effet plus grand fut obtenu par l’emploi de plus petits moyens ; mais combien cet emploi est ingénieux et précis ! Tout ce prologue est d’un dramaturge expert, et que sert discrètement le prince des metteurs en scène. Assurément ce n’est qu’un fait divers, mais dont l’exposition nous donne l’illusion de la nature ; le caractère de Fèdora commence de s’y établir ; enfin l’agitation, la variété de ces comparses, tous animés d’ailleurs par la volonté de l’héroïne, tous occupés seulement de ce fait qui est l’origine de l’action, fera valoir davantage la simplicité de tout le reste du drame. Ce reste se compose, à le bien regarder, de trois scènes ; dans ces trois scènes, rien que deux personnages, qui ne quittent pas le théâtre un moment et que personne n’interrompt dans le développement de leurs passions. Après ce morceau fouillé, tourmenté d’arabesques, on remarque davantage la pureté des lignes de l’œuvre qu’il supporte.
En effet, du second acte, qui se passe à Paris comme le suivant, je néglige le commencement pour courir à la scène capitale qui le termine.