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Donatello. Brunelleschi, Estienne de Laulne, Grechetto, Bernardi, Woeriot, Virgile Solis et tant d’autres merveilleux artistes qui firent aussi des fermoirs de pluvial et des médailles de bonnet, des gardes d’épée et des crosses abbatiales, des bassins et des reliquaires, des bagues et des colliers, on ne s’avise pas de songer à eux. Le nom de Cellini vient tout de suite à la pensée et s’y impose. C’est ainsi qu’il y a plus de deux cents objets de joaillerie et d’orfèvrerie attribués à Benvenuto et qu’il en est un seul qui soit bien authentiquement sorti de ses mains : la salière d’or émaillé de François Ier conservée au musée de Vienne.

Le catalogue qu’a dressé M. Eugène Pion avec une critique circonspecte et une abondance de recherches qui lui font honneur est la partie la plus intéressante de son livre. C’en est d’ailleurs le vrai sujet et le motif; les recherches sur la vie de Cellini n’en sont que le prétexte et le complément. Pour ce catalogue, l’auteur a adopté une excellente méthode : il le divise en deux parties, la première consacrée exclusivement aux œuvres mentionnées dans les Mémoires de Cellini, dans ses Traités de l’orfèvrerie et de la sculpture ou dans les documens du temps; la seconde comprenant toutes celles qu’à tort ou à raison, plus souvent à tort qu’à raison, on attribue au grand orfèvre florentin. Il va sans dire que cette seconde partie est de beaucoup plus considérable que l’autre. M. Eugène Pion cite cinquante-cinq pièces d’orfèvrerie et de joaillerie que l’on sait avoir été exécutées par Cellini. Sauf une seule, toutes ont disparu. Du médaillon d’Hercule qu’admirait si fort Michel-Ange, du lis de diamans de la belle Porzia Chigi, de l’Atlas portant le monde qui attira l’attention de François Ier sur Cellini, du gobelet de la duchesse Éléonore, de l’aiguière du cardinal de Ferrare, de tant d’autres œuvres célèbres et précieuses, il ne reste que le souvenir. Le fameux fermoir de pluvial du pape Clément VII existait encore à la fin du siècle dernier; il fut fondu avec d’autres bijoux par le gouvernement pontifical pour payer une contribution de guerre du général Bonaparte. On voyait à Mantoue jusqu’en 1848 le reliquaire de Ferdinand de Gonzague ; pendant l’occupation de cette ville, des soldats autrichiens le dérobèrent et sans doute le brisèrent pour le vendre au poids de l’or. On ne peut donc juger Cellini orfèvre et joaillier que sur une seule œuvre authentique, peut-être sur deux: la salière de François Ier et le camée de Léda du cabinet de Vienne.

Cette salière monumentale, dont Benvenuto avait eu la première idée à Rome et qu’il fit au Petit-Nesle pour François Ier, se compose de deux figures nues, hautes d’une demi-brasse, assises en face l’une de l’autre, les jambes entre-croisées, le corps très incliné en arrière : Neptune tenant son trident, la Terre pressant son sein.