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encore. Les deux premiers discours n’avaient pu tout dire, non pas seulement faute de temps, mais parce que leurs auteurs continuaient d’être pour celui qu’ils voulaient louer des collaborateurs trop assidus, des amis trop intimes : ils risquaient de paraître se louer eux-mêmes; et, de fait, l’auditoire, en les applaudissant, ne les avait pas séparés.

Notre demi-siècle a vu se raviver la science et, du tronc rajeuni, naître des branches qui ont prospéré comme d’une vie spéciale. L’archéologie chrétienne et l’épigraphie classique, filles de l’histoire, en sont devenues les meilleurs auxiliaires. Mais on rencontre à Rome d’autres enseignemens encore, plus spéciaux, empruntant aux circonstances locales et comme au sol et à l’atmosphère traditionnelle leurs élémens de vie, et de nature à intéresser l’histoire générale, puisqu’ils mettent en œuvre le génie et les souvenirs romains. Telle est l’étude de la topographie antique, à laquelle, pour ce qui concerne Rome et l’Italie, M. de Rossi s’est appliqué avec un grand succès, avec deux ou trois autres savans tout au plus, dont l’un, M. Jordan, habite à Kœnigsberg. Il ne s’agit pas seulement d’identifier les lieux, de retrouver les anciennes stations, de reconnaître et de restituer la viabilité antique : tout ceci est une partie de la lâche, non l’œuvre entière ; il s’agit, en outre, d’interpréter les idées si profondément originales qu’avait l’antiquité romaine sur le partage du sol, sur la délimitation et les divisions du domaine public et de la propriété privée. Il y faut une extrême sagacité, comme celle qui a guidé notre auteur dans l’étude des Mirabilia pour ses premières recherchas relatives aux catacombes, comme celle qui, dans son curieux commentaire des plans de Rome au moyen âge, a rattaché les diverses formæ urbis aux grands travaux administratifs de César, d’Agrippa et d’Auguste[1].

Les conceptions du génie romain sur la répartition du sol, sur les raisons suprêmes qui la dominaient et y imprimaient différens caractères, touchent en même temps à l’histoire de la religion antique et à celle de l’ancien droit. Or ce double intérêt anime toute une partie de l’œuvre de M. de Rossi. Il est l’historien du droit religieux lorsque, dans sa Rome souterraine, il reconstitue l’existence légale des corporations et la condition des sépultures, ou quand il rétablit la procédure employée sous les empereurs contre les chrétiens; il est l’historien du droit historique lorsque, avec quelques collaborateurs éprouvés, il propage l’enseignement de l’épigraphie juridique. Aussi Léon XIII, créant il y a peu d’années au palais Spada un Institut de conférences historico-juridiques, sorte de faculté de droit mêlant aux cours pratiques

  1. Voyez, dans la Revue du 1er et du 15 septembre 1879, notre étude sur l’ouvrage de M. de Rossi : Piante icnografiche e prospettiche di Roma anteriori al secolo XVI.