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Au point de vue commercial, Mostar, autrefois célèbre pour ses manufactures d’armes damasquinées, offre au voyageur à peu près les mêmes séductions que Serajewo ; mais elle est surtout importante comme lieu de transit ; en effet, c’est la porte des deux provinces sur l’Adriatique. et l’Europe méridionale, et un chemin de fer la reliera certainement un jour aux rivages dalmates, à moins qu’un vieux projet de canalisation de la Narenta, — travail difficile et dispendieux, mais non impossible, — ne soit repris par les maîtres actuels de l’Herzégovine.

L’exécution de ce projet[1] ne ferait, du reste, que rétablir ce qui existait, en partie du moins, à une époque plus ancienne, avant que le fleuve, coulant rapidement des eaux beaucoup plus hautes dans un lit encaissé, ne l’eût creusé au point de dénuder les écueils qui s’y trouvent actuellement et qui forment, par endroits, de véritables rapides. Sans parler, en effet, du lac qui devait, à l’époque préhistorique, s’étendre dans la cavité comprise entre Blagaj, Mostar et le mont Porim, nous apprenons par l’histoire que les Narentani, vers l’an 160 avant notre ère, se rendirent redoutables par leurs pirateries sur le fleuve dont ils portent le nom ; plus tard, la grande ville maritime de Narona occupait le bord du fleuve, à l’endroit au-dessus duquel a été construit depuis Poldchitel (Citluk) ; un autre établissement maritime important était situé au moderne Vido, et enfin, en 1403, la république de Raguse fit remonter quatre de ses galères jusqu’au confluent de la Rama, au-delà de Mostar et tout près de Kojnitsa, pour combattre Ostoja, roi de Bosnie. On voit que, jusqu’au XVe siècle, la Narenta était navigable, au moins pour de petits vaisseaux, sur une longueur très considérable de son cours inférieur.


III

Metkovitch, 11 juin.

De Mostar à Metkovitch, le chemin est relativement facile et rapide, car on est tout à fait sorti des grands massifs montagneux. La route suit presque partout le fleuve. À une heure environ de Mostar, on croise l’embranchement du chemin qui se dirige vers Blagaj et Névésigné. C’est dans la première de ces localités que se trouve une citadelle célèbre qui se dresse fièrement à 800 pieds au-dessus de la Bouna, et qui fut construite, dit-on, par le duc d’Herzégovine Stéphan

  1. À l’exposition de Trieste (septembre 1882), on voyait un plan en relief d’une rectification projetée de la Narenta.