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votre lit préalablement occupé par ces petites bestioles dont j’ai déjà signalé la présence en maint endroit de la Bosnie et de l’Herzégovine, et dont l’espèce, paraît-il, n’est pas encore éteinte en Dalmatie, bien que la civilisation y remonte plus haut.

Makarska (1,700 habitans), petite bourgade épiscopale, d’où dépendent nominalement les catholiques d’Herzégovine, n’avait du reste rien de bien séduisant pour un voyageur. Quand j’aurai dit qu’en 1497 elle fut prise par les Turcs, depuis peu maîtres de l’Herzégovine ; que, en 1646, elle se donna aux Vénitiens ; qu’en 1663 Ali Tchengitch, général ottoman, l’attaqua sans succès, et qu’en 1669 la paix de Candie la réunit de nouveau à l’Herzégovine, dont elle fut détachée peu de temps après ; puis enfin qu’en 1693 elle résista victorieusement aux Turcs, j’aurai fait en peu de mots toute l’histoire de Makarska.

Cette ville ne renferme aucun monument qu’une église sans grand, caractère, et dans le voisinage un couvent de moines mendians, à la quête hebdomadaire desquels j’assistai par hasard. Comme j’attendais le bateau qui devait me conduire à Spalato, je vis passer un clerc, tenant un cierge d’une main et de l’autre une bourse plate en cuir, pareille au sac habituel des Slaves du Sud. Suivi d’un servant qui portait un seau pour les dons en nature, il tendait à chacun sa besace en marmottant à toute aumône un remerciement religieux en langue croate.

Le soir du même jour, j’arrivais à Spalato avec un bon accès de fièvre causé par les fatigues des derniers jours et peut-être aussi par les miasmes délétères des marais de la Narenta.


VI

On me permettra, en terminant, de dire quelle est mon opinion sur l’avenir de la Bosnie et de l’Herzégovine et sur la nouvelle situation que l’occupation de ces deux provinces crée à la monarchie des Hapsbourg.

Et d’abord, en dépit d’une chanson très populaire à Vienne quelque temps après l’occupation, chanson dont le refrain était : « Ce ne restera pas définitivement notre propriété[1], » je crois, comme tout le monde d’ailleurs, que les provinces turques d’outre-Save font désormais partie de l’empire austro-hongrois et que la fiction qui les a laissées sous la suzeraineté nominale du sultan disparaîtra bientôt devant la réalité des faits. Mais est-ce bien le cas

  1. Mir Kultivirens provisorisch, S’ahört (pour : das gehört) uns not definitiv