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lui la réunion des honnêtes gens, et pour assurer leur repos contre de dangereux contacts, il rajeunit jusqu’aux pénalités ramâmes et prépare la « relégation » sans fin hors du territoire aux coupables de perversité ou seulement de misère. Il n’hésite pas davantage devant de plus pures victimes, et, cette fois, c’est à la Grèce qu’il emprunte l’ostracisme comme une arme régulière contre les princes ou les citoyens trop puissans. Enfin la liberté, à cause de la contradiction d’efforts qu’elle engendre, lui est une image du désordre. Il tend à lui substituer l’état jusque dans l’enseignement, « pour arracher l’enfant à la barbarie paternelle. »

Certes ! voilà, à défaut de respect pour l’individu, un amour fier et exclusif pour la société. Mais qui le professe ? Quels hommes repoussent comme une usurpation sur la souveraineté toutes franchises accordées à une portion de territoire ? Ceux qui, sans une garantie, ont voulu rendre dans la capitale la souveraineté elle-même captive du pouvoir municipal. Quels hommes déclarent intolérable l’élection d’un maire dans le plus chétif chef-lieu du plus lointain département ? Ceux qui hier donnèrent un maire élu à Lyon et n’oseront pas demain le refuser à Paris. Quels hommes sont sans pitié pour les libertés les plus régulières, quand leur exercice gêne la suprématie de l’état ? Ceux qui ont été sans colère contre la révolte sauvage de 1871, où l’idée même de l’état était niée. Quels hommes prétendent réclamer la religion de la patrie ? Ceux qui ont amnistié la commune. Quels hommes préparent comme indispensable à la sécurité publique l’exil des repris de justice et des vagabonds même ? Ceux qui ont été chercher en exil et ramené en France des voleurs, des incendiaires et des assassins. Quels hommes dénoncent les périls de la démagogie, et menacent les esclaves ivres d’aller les chercher jusque dans leurs repaires ? Ceux qui en connaissent les chemins pour avoir, dans ses repaires, signé sous la dictée de ces esclaves plus d’un mandat impératif. Encore le moindre scandale de ces politiques est-il le désaccord entre le passé et le présent. C’est dans chacun de leurs actes que leur autorité morale se brise au choc des contradictions. L’état est une idole dont ils sont les prêtres, et ils donnent le constant exemple des attaques, des injures, des calomnies, qui mettent en question l’honneur des plus hauts fonctionnaires, la dignité des partis, la concorde des assemblées. Ils veulent apaiser les esprits et ils dénoncent à la haine comme ennemis des catégories entières de citoyens. Ils exigent qu’on respecte les lois et ils les violent ; qu’on s’abstienne de violence, et ils y recourent. Leur rôle est de traiter en coupables ceux qui suivent leurs exemples : si quelque pauvre fanatique brise une croix, frappe un prêtre, tente le sac des cloîtres qui abritent encore les femmes, ils l’arrêtent : et eux ont