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Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/643

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The undiscovored country, from whose bourn
No traveller returns…


L’auteur nous reporte à un temps bien rapproché du nôtre, où la croyance aux effets les plus prodigieux du magnétisme troublait singulièrement certains cerveaux, dans le monde entier, mais surtout en Amérique, le théâtre des premières manifestations dues aux tables tournantes et aux esprits frappeurs. On sait avec quelle rapidité le nombre des médiums, des prophétesses, des meetings, des journaux traitant de phénomènes réels ou fabuleux, se multiplia dans ce pays où l’utopie et le sentiment des choses pratiques sont mêlés d’une façon si bizarre, où germent ensemble dans un terrain vierge, favorable à toutes les éclosions, le bon grain et les herbes folles. Tandis que certaines sectes prenaient le spiritisme pour point de départ d’une vie de sacrifices, tendant à la plus pure perfection, tandis que des enthousiastes plus convaincus qu’éclairés lui attribuaient le don des langues et le talent de guérir, une nuée de charlatans surgissait sous ses auspices : ceux-ci, médiums électriques, magnétiques et progressifs, se chargeaient d’absorber les maladies d’autrui par philanthropie et moyennant finance, ceux-là, professeurs de miracles, offraient d’enseigner leur art occulte ; d’autres, qualifiés de translucides, faisaient voir non-seulement les morts, mais les absens, et donnaient des conseils pour affaires. D’après le rapport quelque peu exagéré, sans doute, d’un des chefs du mouvement, trois millions d’Américains étaient entrés, il y a quinze ou seize ans, dans cette armée qui se flattait de pouvoir remplacer les vieilles croyances incomplètes à la vie future par des révélations nouvelles directement communiquées d’en haut. Discerner les dupes des imposteurs, devait être assez difficile, et nous comprenons la méprise dans laquelle tomba Edward Ford, le héros de M. Howells, en traitant d’abord un honnête songe-creux de coquin effronté.

Les premiers chapitres sont piquans. L’auteur nous introduit dans une de ces assemblées qui se sont tenues, — on peut s’en souvenir, — à Paris comme à Boston. La maison a fort mauvais air, le mobilier, tout ensemble prétentieux et misérable, annonce que le spiritisme n’enrichit pas ses promoteurs, et cependant, derrière ces murs couverts de tentures graisseuses, des coups redoublés retentissent, annonçant la présence turbulente des esprits de bonne volonté. A la clarté douteuse d’un seul bec de gaz baissé avec art, des mains apparaissent, répondant à l’appel d’une mère qui pleure son enfant, d’une veuve qui évoque son mari, main d’homme, de femme ou de baby, main blanche ou main de nègre, selon la circonstance. Il est permis de les serrer, de les retenir un instant ;