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personnes qui l’approchèrent le plus, jettent un jour nouveau sur son caractère et les péripéties de son existence ; ils permettent aussi de démêler la part considérable qu’après son avènement elle prit à la politique générale et aux affaires de l’Europe. Si l’héroïne de l’histoire ne ressemble guère à celle de la fiction, on jugera peut-être qu’elle reste digne de nos sympathies par ses malheurs immérités, ses qualités aimables, et son active habileté à servir les intérêts de la France.


I

En 1644, sous la régence d’Anne d’Autriche, Mazarin poursuivait avec persévérance le développement de l’œuvre diplomatique de Richelieu. Assurer notre prépondérance en Europe en la fondant moins sur les triomphes passagers de la force que sur un système d’alliances heureusement combiné, amener insensiblement la plupart des cours à accepter notre direction par crainte du despotisme autrichien, tel était son but. Au milieu des embarras croissans de l’intérieur et des difficultés de la guerre étrangère, il saisissait toutes les occasions de nous créer des intelligences dans les contrées les plus éloignées, et sa politique insinuante ne négligeait aucun état. Parmi les royaumes du Nord, la Pologne attirait particulièrement son attention. Malgré ses discordes intérieures et les vices de sa constitution, la Pologne présentait encore une force imposante ; habitée par un peuple de soldats, elle pouvait jeter à l’improviste, sur les Suédois nos alliés, ou sur les Autrichiens nos ennemis, une armée de cent mille cavaliers, poids décisif dans la balance, comme un exemple mémorable devait le prouver, quarante ans plus tard, sous les murs de Vienne. Tous les efforts de Mazarin tendaient donc à procurer parmi les Polonais le triomphe de notre influence et à les tirer de la neutralité qu’ils avaient observée jusqu’alors dans la grande lutte engagée entre la France et la maison d’Autriche.

Pour parvenir à ses fins, le cardinal usait de moyens et d’instrumens très divers. Tandis qu’il employait au congrès de Munster l’expérience consommée de diplomates tels que Servien et d’Avaux, il s’avisa qu’une princesse gracieuse et séduisante serait le représentant le plus utile de la France en Pologne, auprès d’une nation chevaleresque, pour laquelle l’amour semblait être le seul délassement de la guerre. Un gentilhomme valeureux, Wladislas IV, régnait alors en Pologne. Durant un règne déjà long, il s’était efforcé de maintenir au peuple qui l’avait élu pour chef une place respectée en Europe. Marié d’abord à une archiduchesse d’Autriche, il était devenu veuf au bout de peu d’années. Il avait été fort galant, et l’on