déjà sensible, la menace du déficit dans le budget, le danger d’une crise financière ; s’il y a tout cela aujourd’hui à la place de la prospérité qu’on avait trouvée, est-ce la faute des conspirations imaginaires et des anciennes familles régnantes ? On a voulu toucher à tout, réformer particulièrement la magistrature, et ce ne sont point à coup sûr les projets qui ont manqué, pas plus que les discussions. Qu’arrive-t-il cependant ? Au mois de juin de l’an passé, la chambre votait la suppression de l’inamovibilité et l’élection des juges ; ces jours derniers, dans une discussion nouvelle sur la réforme judiciaire, elle a voté tout le contraire, et maintenant tout est à recommencer. La vérité est qu’on n’a réussi à rien, si ce n’est à ébranler la magistrature dans son autorité, dans son indépendance, en réveillant autour d’elle toutes les suspicions, et si on n’a su rien faire de mieux, est-ce encore la suite des menées ténébreuses des princes ? Lorsqu’il y a quinze jours, le gouvernement a été surpris par le manifeste du prince Napoléon, il s’est aperçu tout à coup qu’il était complètement, » désarmé par la dernière loi sur la presse et il s’est même hâté de joindre à son projet sur les prétendans un projet modifiant les conditions légales de l’affichage, rendant aux tribunaux correctionnels le jugement de certains délits. Le projet sera voté ou ne sera pas voté ; mais, dans tous les cas, si le gouvernement est impuissant, c’est qu’il a été désarmé par ceux dont il ne dédaigne pas l’alliance, par les républicains qui ont fait la loi sur la presse, qui ont voulu l’impunité de toutes les provocations affichées ou publiées sous prétexte qu’elles n’étaient qu’une « opération de l’esprit humain. » Ce ne sont pas apparemment les prétendans qui ont fait cela ! S’il y a depuis quelques années un phénomène frappant, c’est le déclin rapide de toute autorité, de toutes les forces, de toutes les traditions du gouvernement dans l’altération croissante de toutes les conditions, de toutes les garanties du régime parlementaire. L’impulsion, la direction ne sont plus nulle part, ni dans le parlement, ni dans le pouvoir. Tout semble livré au hasard des passions et des incidens, et s’il en est ainsi, s’il n’y a plus en réalité de gouvernement, est-ce encore et toujours la faute des princes qui sont dans un régiment ou à Chantilly ? C’est évidemment bien plutôt la faute d’une chambre dévorée de passions médiocres, de ministères sans cohésion, sans initiative, un peu aussi de M. le président Grévy, qui, en blâmant tout, laisse tout faire, — et le dernier mot de cette décomposition est ce qui se passe en ce moment même où les questions les plus graves s’agitent devant un parlement incohérent, avec une ombre de cabinet.
Rien de plus singulièrement, de plus tristement significatif, en effet, que cette histoire d’aujourd’hui, que cette éclipse soudaine ou cette transformation d’un ministère qui n’a pu aller jusqu’au bout de la crise où il s’est trouvé entraîné sans y songer. Ce ministère Duclerc avait pourtant réussi à vivre depuis le mois d’août, et, à la