bien avéré de l’application de cette mesure, il faut arriver à l’exil d’Aristide.
C’était entre la première et la deuxième guerre médique, quelques années après la bataille de Marathon. A Marathon, Aristide s’était conduit en vaillant soldat et en grand citoyen. Il était un des dix généraux des Athéniens. Or quand les stratèges se trouvaient ensemble à l’armée, le commandement en chef appartenait à chacun à tour de rôle. Le jour de la bataille, Aristide avait le commandement ; mais, jugeant que Miltiade était plus capable de l’exercer que lui-même en une si grave occurrence, il lui demanda de le prendre à sa place et, sa proposition acceptée, il alla commander en sous-ordre les hommes de sa tribu. Il combattit valeureusement, si bien qu’on aurait pu l’appeler le Brave comme on l’avait déjà appelé le Juste. On sait qu’il avait mérité ce surnom par la sagesse de ses conseils à l’assemblée, par l’équité de ses sentences au tribunal, enfin par l’ordre admirable de son administration comme trésorier-général de l’état. D’autre part, sa vie privée était irréprochable. L’ambitieux Thémistocle, qui voulait faire d’Athènes surtout une puissance maritime et qui, en raison de ces desseins, favorables à la plèbe, s’appuyait sur le bas peuple, le flattant et le protégeant en toute occasion, était à la tête du parti avancé. Aristide ne voulait pas que la démocratie athénienne allât trop vite ni trop loin. Mais dans quelle juste mesure devait-il s’opposer aux projets des chefs du peuple ! Qu’on n’oublie pas qu’Aristide avait été l’ami et le partisan de Clisthène, le réformateur démocratique ; qu’on se rappelle aussi que ce fut sur la motion d’Aristide qu’après la bataille de Platées l’archontat fut rendu accessible à tous les citoyens indistinctement. Donc cet homme n’était point un réactionnaire bien ardent. Il cherchait moins à entraver la marche de la démocratie qu’à la modérer. Thémistocle, irrité de l’opposition que faisait Aristide à quelques-uns de ses projets, combattit de parti-pris tous ceux d’Aristide. A son tour, Aristide s’efforça en mainte occasion de faire rejeter les propositions de son adversaire. Élu trésorier de la république, il dénonça les malversations de ses prédécesseurs, parmi lesquels se trouvait Thémistocle. Aristide, remarquons-le, fut en cela plus juste que charitable. Grâce sans doute à son influence sur le peuple, Thémistocle ne fut pas poursuivi ; il n’en garda pas moins un violent ressentiment contre son accusateur, et les luttes de paroles au Pnyx devinrent plus acharnées que par le passé. Ce fut alors que Thémistocle se décida à provoquer un vote d’ostracisme. Bien que la tranquillité de la cité ne pût être nullement menacée par un homme tel qu’Aristide, Thémistocle, en agissant ainsi, crut peut-être